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Homélie pour la Fête de Saint Pierre et Saint Paul, apôtres - année C - 2025

par l'abbé Gad Aïna

Frères et sœurs dans le Christ,

 

Dans l’évangile de ce jour, après la profession de foi de Simon fils de Jean ou Jonas au nom des douze, Jésus affirme : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. (...) Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux ; et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » 

 

Dans ce passage, nous avons trois métaphores. Nous avons d’abord le roc, ensuite les clés et enfin le pouvoir de lier et de délier.

 

Dans l’Ancien Testament c’est Dieu qui est le Roc ou le Rocher, unique appui stable pour son peuple (Dt 32,4 ; Is 44,8 ; Ps 18,3). Dans le Nouveau Testament, le titre est repris par Paul (1 Co10, 4) au sujet de Jésus. Le rocher signifie la stabilité, un endroit sûr, un abri. Il est perçu comme une fondation solide. Jésus le souligne dans sa parabole : écouter la Parole de Dieu et la mettre en pratique signifie bâtir sa maison sur le roc. Ainsi le roc renvoie-t-il aussi à la fidélité. 

 

L’Écriture désigne Jésus comme la pierre angulaire sur laquelle l’Église est bâtie. Cependant c’est bien lui, le Seigneur en personne, qui nomme Simon Képhas, roc ou pierre. Il lui confère une identité, un rôle dans la communauté. Dans le Nouveau Testament, ce surnom est devenu l’appellation commune de Pierre dans l’exercice de sa fonction de communion. A partir de ce nom, en lien avec le Christ, Pierre sera le fondement, le roc, sur lequel s'appuiera l'édifice de l'Église. Pierre ne sera pas le seul. Dans l’Apocalypse, en effet, la cité qui descend du ciel possède douze fondations. Rappelons-nous que les architectes mettaient leurs noms sur les fondations. Le nombre symbolique des douze indique qu’ils sont tous architectes, par leur prédication, de l’Église que Jésus édifie. La fondation est donc la prédication apostolique dont les apôtres sont architectes. 

 

Pierre est roc et fondement parce qu’il annonce le Christ. Il est roc plus particulièrement car c’est d’abord à lui que Jésus confie ce rôle comme un coordinateur. Il est la référence stable de la foi, la ligne fidèle que Jésus lui donne après lui. Il sera donc le guide, affermi après l’épreuve, qui obtiendra de Jésus la charge du soin des brebis, après l’unique vrai et bon Pasteur. Ce roc de la stabilité, de la fidélité à Jésus, sera le bouclier contre les forces du mal et des enfers.

 

L’expression ‘‘forces de mort’’ nous permet de comprendre le pouvoir des clés. Le texte dit : “les portes de l’Hadès”. “Portes” signifie ici “le pouvoir”, tout comme autrefois, les grandes portes érigées désignaient le gouvernement d’un royaume ou d’un empire dont on franchissait le seuil (voir Esther 6.12). Quant à l’Hadès, il désignait le monde souterrain, le monde des morts et des puissances démoniaques. Même si les forces de mort essaient d’écraser l’Église, pensent écraser l’Église ou développent en elle les ferments de corruption, elles ne l’empêcheront pas d’accomplir sa mission de salut. La stabilité du roc permet d’endiguer ce pouvoir du mal. Posséder la clé du ciel ou du Royaume des cieux accorde un autre pouvoir à Pierre.

 

Pierre aura aussi les clefs du Royaume des cieux. Cette deuxième métaphore montre qu’il a reçu le pouvoir et l’autorité pour ouvrir ou fermer à celui qui lui semblera juste. Dans le Nouveau Testament, on voit que Jésus est le détenteur de la clé. Le Christ ressuscité dit : « Je détiens le pouvoir sur la mort et sur le monde des morts » (Apocalypse 1,18). Ce pouvoir exorbitant, qui est celui de Jésus lui-même, est confié à Pierre : ouvrir ou refuser l’accès au ciel. Jésus, qui est la Porte, en a remis les clés à Pierre. Dieu donne à des êtres humains fragiles d’amener les autres hommes et femmes à Lui. 

 

Enfin, Pierre pourra lier ou délier. Pour les Juifs, lier et délier voulait dire : préciser ce qui est interdit et ce qui est permis. Jésus disait bien aux pharisiens : « vous liez de pesants fardeaux que les gens ne peuvent porter et que vous-mêmes ne portez pas ! ». En ce sens-là, Pierre pourra établir ou interdire ce qu'il pensera être nécessaire à la vie de l'Église, qui est et reste l'Église du Christ. Le pouvoir de lier et de délier a été aussi très tôt associé au pouvoir de remettre les péchés, bien au-delà du ministère de guérison ou d’exorcisme. Délier prendra une force particulière dans le ministère apostolique, justement parce qu’ils vont guérir les maladies et délivrer les possédés. La plus grande œuvre de délivrance est celle du pouvoir du péché à travers le ministère du pardon.

 

Roc de la stabilité, il freine les forces du mal ; pierre de fidélité, il maintient dans la foi ; porte-clés du ciel, il ouvre ou ferme à qui il semble juste ; lieur ou délieur, il indique ce qui est bon et permis ; il légifère pour le bien du peuple de Dieu qu’est l’Église et il le délivre du péché et du mal. 

 

Avant de finir par une invitation à imiter les apôtres, je voudrais insérer le pouvoir immense que Jésus donne à Pierre dans son contexte. Pour rappel : lors de l’épisode où Jésus confie ses brebis à Pierre, il lui demande s’il l’aime vraiment. Ainsi, dans l’épisode après la résurrection, c’est après une confession d’amour sans limite que Jésus donne le pouvoir sur son troupeau. Dans ce passage de Césarée, c’est la confession de la foi en Jésus, Messie et fils de Dieu, qui précède l’institution de Simon comme référence de la foi, bouclier face à l’enfer, libération et aide à entrer dans le paradis divin. La remise des clés et donc du pouvoir vient pareillement de l’expression de la foi en la personne et de la mission de Jésus-Christ.

 

Pour imiter les saints apôtres à partir de cette méditation, il faut toujours nous référer à eux pour la bonne expression de la foi. Il nous faut à notre tour annoncer Jésus-Christ. Nous devons surtout garder à l’esprit pour notre vie chrétienne de tous les jours, que le pouvoir que Jésus donne, vient de l’amour et de la foi que l’on a en lui. Et ce pouvoir qu’il nous donne, quel que soit le rôle que nous assumons dans l’Église, est pour la protection de la foi, l’éloignement du péché et du mal, la délivrance de nos frères et sœurs.

Amen