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Sacrifice

Eclats de foi par l'abbé Casanave

A la faveur d’une révision de la traduction des textes liturgiques, ce mot est revenu plusieurs fois dans les prières de la messe. Les vieilles générations qui, dans leur enfance, devaient cocher sur papier, lors du carême, le sacrifice quotidien d’une friandise ou d’une jalousie n’ont pas un excellent souvenir de ce vocable ! Le sacrifice qui « fait le sacré ou rend sacré » revêt une signification plus vaste que le sacrifice-privation.

 

Si l’on fait l’archéologie de ce terme, on s’aperçoit d’abord qu’il existe dans toutes les religions. Le premier testament en fait presqu’un réflexe dès que le croyant veut remercier Dieu, renouveler son alliance avec Lui ou obtenir un bienfait de sa part. Les sacrifices sanglants de bétail renvoyaient à la civilisation des pasteurs, tandis que l’offrande d’une part de récolte rappelait l’apparition de l’agriculture. Tout un rituel allant de l’holocauste consumé en totalité par le feu reçu du ciel au sacrifice de communion, partagé entre Dieu, les prêtres et les fidèles, nécessitait un commerce établi aux abords du Temple de Jérusalem. Ce marché donna l’occasion à Jésus de se présenter comme celui qui venait réaliser la prophétie de Zacharie annonçant le temps messianique.

 

Il était précisé dans la Loi juive que tout premier né devait être consacré au Seigneur. Le sacrifice d’Isaac, remplacé par celui du bélier, relève de cette antique observance souvent partagée par les païens. Les premières gerbes entraient aussi dans ce système sacrificiel. Par l’offrande de tout premier né qui « ouvrait le sein maternel », et par la non-consommation du sang, principe de vie, l’homme rendait pour ainsi dire à Dieu la clé qui ouvrait la porte de la mort sur la vie afin de maintenir l’acte créateur en état de se perpétuer. Par ce geste l’homme signifiait aussi qu’il ne devait pas épuiser l’œuvre créatrice de Dieu et lui laisser une chance de se renouveler. Le Seigneur était sensé répondre à ces multiples sacrifices par les gratifications souhaitées, toutes orientées vers une vie meilleure, allant d’une victoire sur l’ennemi à la fécondité de la moisson. Lorsque le peuple fut déporté loin de son temple, il fallut lui trouver des substituts. Le « sacrifice des lèvres » c’est-à-dire la prière et l’aumône remplacèrent le cérémonial du temple. « C’est l’amour que je veux et non les sacrifices » osa même suggérer Dieu. (Osée 6,6)

 

Lors de la cène célébrée dans le contexte pascal où un agneau par famille était sacrifié, Jésus semble avoir privilégié l’offrande végétale du pain et du vin comme symboles essentiels de sa vie offerte (corps livré, sang versé) et partagée (prenez et mangez) récapitulant et remplaçant ainsi tous les sacrifices antérieurs.

Lorsqu’à la suite de Jésus, le prêtre, au moment de l’offertoire, présente le pain et le vin ne rejoint-il pas, au-delà du repas pascal, ce réflexe antique du « sacrifice-échange » qui rend à Dieu une part de ce qu’il nous donne ? Avec le pain et le vin c’est tout l’univers qui est intégré à l’offrande eucharistique et c’est la création nouvelle qui nous est rendue dans le pain eucharistique, sacrement du Christ ressuscité. Au lieu de recevoir prospérité, victoire, santé, longue vie ou richesse, l’homme va accueillir la seule richesse qui compte : la Vie ressuscitée du Christ dans l’Esprit Saint.

 

L’offertoire et le geste de la quête, appelée bien justement « offrande », mériteraient de ne pas être escamotés pour être replacés dans leur signification entière 


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