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Rencontre avec l'abbé Simon de Violet 1/5

Le Père Simon de Violet est prêtre du diocèse de Paris mais il est aussi… fils, petits-fils et neveu de paroissiens !

Nous avons eu le plaisir d’un long et passionnant entretien cet été, spécialement pour la Lettre de Tychique.

 

Après des études dans la finance, il entre au séminaire et va être ordonné prêtre le 27 juin 2020. Impliqué dans la pastorale des jeunes, notamment via le service d’aumônerie auprès des collèges et lycées, en janvier 2021, il ajoute une nouvelle corde à son arc en créant la chaîne YouTube Catholand… et ce n’est qu’un de ses nombreux talents puisque la même année, il a également peint le portrait officiel de Mgr Aupetit. Depuis, en plus de sa mission de prêtre, il prépare une Licence canonique de Théologie avec comme spécialité l’Histoire de l’Eglise.

 

Histoire de famille

© Simon de Violet

Tychique

Vous venez passer vos vacances ici, quelles sont vos relations avec le Pays basque et avec Saint-Léon ?

Père Simon

Ma famille a quitté Carcassonne et le Minervois dont elle était originaire lors des guerres napoléoniennes. Nous sommes donc arrivés ici vers 1815, à peu près à l'époque où mon ancêtre s'est marié. Il a quitté Carcassonne, d’une part en raison de tous les bouleversements qu’il y a eu entre sa naissance en 1785 et son mariage mais aussi pour se rapprocher de l'Espagne dont était originaire sa femme. Ils se sont alors installés à Bayonne et nous y sommes restés. Mes parents vont se déplacer sur Paris dans les années 70, pour leurs études, la médecine pour mon père et l'école du Louvre pour ma mère.  

Nous sommes donc au Pays basque depuis longtemps, mais pour ma génération, parisienne de fait, c'est surtout un lien qu'on redécouvre puisque c'est quand même 800 kms de distance.  

 

Mes frères et moi avons été baptisés à Saint Léon, église qu’ont fréquenté nos parents. Une paroisse à laquelle nous sommes aussi liés par l’engagement de ma grand-mère qui y était très impliquée depuis toujours. L’église Saint Léon était aussi l’église la plus proche du logement de mes grands-parents, puis de mes parents.

A chaque période de vacances, nous venions ici, et nous avions ainsi un peu l'occasion d’aller à Saint Léon pour la messe. Ça a été pour nous un premier enracinement très concret même si l'enracinement religieux à Saint-Léon s'est tout de même fait bien plus tard.

 

C'est après l'ordination, ou plutôt à partir du moment où je suis entré au séminaire à Paris, que mes visites à Saint Léon ont été plus fréquentes et, progressivement j'ai pris contact avec le curé de la paroisse (qui a changé entre le début et la fin de mon séminaire). Ce lien s’est renforcé surtout depuis que je suis prêtre, la célébration de la messe m'ayant un peu rapproché de la communauté locale.

 

Tychique

Votre ordination est relativement récente.

 

Père Simon

Oui, j'ai été ordonné en juin 2020 à Paris, dans une période très incertaine car nous ne savions pas trop si nous allions être ordonnés et comment. Mais finalement tout s’est bien déroulé. Il a fallu faire confiance à la Providence ; nous étions dans l'abandon total et c'est ce qui s'est passé. Nous avons été ordonnés dans la grande église de Saint-Sulpice, Notre-Dame ayant brûlé l'année précédente.

Mais cela reste récent puisque cela fait tout juste 3 ans. Je ne suis donc plus jeune prêtre depuis 2 mois [1] ; c'est comme le permis de conduire, nous sommes « jeune prêtre » pendant 3 ans ! Cela veut dire que maintenant, je suis un peu plus censé être capable de voler de mes propres ailes.

 

Tychique

Pourriez-vous nous parler un peu de votre parcours avant l’ordination ? Je sais que vous avez fait un passage par le monde de la finance. Comment passe-t-on de la finance au sacerdoce ? 

 

Père Simon

Ma relation à l’Eglise s’est vraiment affirmée à partir du moment où j'ai pris la décision de rentrer au séminaire. J'ai toujours été pratiquant parce que ma famille nous amenait à la messe depuis l'enfance et nous avons évidemment reçu tous les sacrements d’initiation. Et cependant, j'ai bien été témoin du fait que tout ce que l'on reçoit, il faut savoir s'en saisir et le transmettre à son tour. A partir du moment où j'ai sauté ce fossé inconnu qui était de rentrer au séminaire - décision que j'ai longtemps repoussée -, j'ai été suffisamment en paix avec moi-même pour pouvoir assumer cet engagement.

 

 

Avant, je dirais que j'étais plus ou moins engagé, parce que dans ma famille, nous étions des pratiquants messalisants, c'est-à-dire qu'on allait à la messe, mais pas à l'aumônerie ni au catéchisme paroissial, on ne faisait pas non plus de pèlerinage avec la paroisse ; on avait peu de rapports avec celle-ci. Nous étions en école privée et nous y recevions directement l’éducation religieuse ce qui, finalement, n'est pas un excellent système. Je trouve que cela sépare la paroisse de la religion et la paroisse n’est alors plus associée qu’à l’Eucharistie. Le catéchisme devient alors une matière enseignée parmi d'autres. Pour moi, l'idéal serait qu'il n'y ait aucune formation chrétienne dans les écoles, qu’elles soient publiques ou privées et que celle-ci soit mise en place dans la paroisse afin d’en faire le lieu de vie lié à l'Eucharistie. Aujourd’hui, on divise un peu cet enseignement, partant du principe que beaucoup de familles ne sont pas pratiquantes et que cela permet de donner quelques bases d’éducation chrétienne afin de « donner envie ».

 

Or, il faut d'abord connaître Jésus pour ensuite avoir envie de suivre ses enseignements. En ce sens, il me semble qu’il n’y a pas de meilleur lieu de formation et d'enseignement chrétien que la paroisse. 

 

Mais pour en revenir à ma famille, mes 3 frères n'ont pas repris activement la pratique de la foi, comme dans tant de familles qui, pourtant, offrent à leurs enfants une éducation religieuse. Je pense que le morcellement de l'éducation religieuse en est l'une des causes. Certes, en ce qui me concerne, cela n’a pas été un frein car, lorsque j'ai commencé à recevoir des éléments de vocation, je ne me suis pas rapproché de mon collège ou de mon lycée ni de leurs aumôneries respectives - dont j'ignorais d’ailleurs l'existence -, mais de ma paroisse. 

A 13 ans, j’ai commencé par vouloir devenir servant de messe, et là j'ai découvert qu’une paroisse n’était pas juste une petite foule et un prêtre, mais des « personnes » et qu’une relation pouvait s’y construire ; on pouvait y nouer des amitiés. 

 

Ensuite, quand j'ai accepté que Dieu soit plus qu'une hypothèse et que, si c'était une hypothèse, c'était l'hypothèse la plus logique, cela a changé ma perspective. D'un coup, j'arrivais à avoir une relation réelle puisque je partais du principe que Dieu existe et que je pouvais Lui parler, qu’Il me répondait dans l'Écriture, à l'Église ou ailleurs. Cela a été mon point de départ et Il s'est révélé à moi. Ce n'est pas moi qui ai, tout d'un coup, décidé d’avoir la vocation ; je pense qu’Il travaillait un peu le terrain pour me permettre de vaincre progressivement mes réticences, ce qui n’a pas toujours été facile ! 

 

A 18 ans, j'ai fait la rencontre vocationnelle par excellence, celle où j'ai entendu résonner dans ma tête cette phrase « Qu’est-ce qui se passerait si j'étais prêtre ? » Elle est venue très naturellement, comme si je la récitais par cœur, comme si je l'avais répété 10 000 fois. C'était bien ma voix qui résonnait, sans l’être réellement. Et j’ai immédiatement été rempli d'une émotion très forte qui m'a donné quelques indices sur ce qui m’arrivait ! A partir de ce moment-là, j'ai commencé à avoir un rapport beaucoup plus personnel avec Dieu, ce que je n'avais pas vraiment avant. Je me laissais beaucoup porter. J'ai quand même un peu traversé les nuages de l'adolescence et de la post-adolescence avec la vie étudiante, j'ai suivi ce qui était proposé par le diocèse et le service de la vocation et finalement vers 22 ans, j'ai considéré que cela n’était pas pour moi. J'ai donc continué mes études de droit puis j'ai fait une école de commerce. Je suis ensuite parti pendant quelques temps au Pays-Bas où j’ai vécu une sorte de désert spirituel, sans pratique religieuse dans ce pays peu catholique et à dire vrai peu religieux.

 

Quand je suis rentré en France, j'ai de nouveau été touché au moment où je m'y attendais le moins et j'ai ressenti exactement cette même émotion très puissante que j’avais reçue à 18 ans. Juste une émotion. Elle a été comme un hameçon, tout en venant me donner des éléments de réponse à ce que je cherchais. J'étais soudain rempli d'une sorte de zèle qui me poussait à tout quitter pour suivre le Christ. J'ai enfin décidé de rentrer au séminaire en me disant que cette fois-ci, je devais me donner les moyens d'explorer ce que je pensais percevoir. 

 

J'ai quitté sans difficulté mon métier d’analyste financier. La finance était alors le premier employeur en île de France. Le séminaire a été un choix qui n’a pas été compliqué à faire mais qu’il a fallu assumer, ce que j'avais refusé de faire quelques années plus tôt. Manque de maturité ? Manque de volonté ?

Voilà pour ce qui est du parcours qui m'a mené jusqu'au séminaire. Cette action de choix se poursuit toujours car, après le séminaire, chaque année, nous sommes invités à remettre un peu en question notre choix et également à le remettre en perspective : voir ce que l’on a reçu, les défis auxquels on a été confronté et ce qu’il reste à approfondir. On est entouré de plein de gens pour nous aider à faire cela. 

 

[1] Interview réalisée le 18 août 2023

 

 

Suite la semaine prochaine...