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Rencontre avec l'abbé Simon de Violet 3/5

Le Père Simon de Violet est prêtre du diocèse de Paris mais il est aussi… fils, petits-fils et neveu de paroissiens !

Nous avons eu le plaisir d’un long et passionnant entretien cet été, spécialement pour la Lettre de Tychique.

 

Après des études dans la finance, il entre au séminaire et va être ordonné prêtre le 27 juin 2020. Impliqué dans la pastorale des jeunes, notamment via le service d’aumônerie auprès des collèges et lycées, en janvier 2021, il ajoute une nouvelle corde à son arc en créant la chaîne YouTube Catholand… et ce n’est qu’un de ses nombreux talents puisque la même année, il a également peint le portrait officiel de Mgr Aupetit. Depuis, en plus de sa mission de prêtre, il prépare une Licence canonique de Théologie avec comme spécialité l’Histoire de l’Eglise.

 

Être jeune prêtre

© Simon de Violet

Tychique

Nous sommes aussi dans une période où la transmission de la foi ne se fait plus, ni par tradition, par habitude. Il fut un temps où on était catholiques de génération en génération, sans se poser plus de questions, sans la vivre personnellement.  Cela sous-entend qu’il y ait donc aujourd’hui une vraie démarche personnelle. C’est plutôt intéressant… 

 

Père Simon

Le pape Benoît XVI disait qu’avec la diminution de la pratique chrétienne et des chrétiens, on allait arriver à une église plus resserrée, mais aussi plus purifiée. Il voulait dire par là qu’elle serait débarrassée, d'une certaine manière, de ces éléments un peu trop « sociaux » dans le sens mondain du terme. On était chrétien pour des raisons socio-culturelles, historiques, voire nationales, c'est-à-dire que la foi était souvent plus liée aux us et coutumes de son pays qu’à une pratique personnelle. Il y avait une forme de rapport patriotique aussi à la religion qui avait pour avantage de contribuer à l'unité d'un peuple. Les gens ne se posaient même pas la question de savoir qui était catholique ou ne l’étaient pas ; cela faisait partie de la définition du fait d'être français, d'être française.

 

Cela avait un côté positif, maintenant oublié, qui était de créer une unité nationale. Cela avait aussi ses inconvénients et notamment d’avoir une vie de foi, un rapport personnel à Dieu peut-être un peu plus superficiel ou du moins influencé. Le message de l'Évangile était connu de tous, y compris des anticléricaux, des personnes athées prétendues ou authentiques. Ces mêmes personnes qui, lorsqu’elles débattaient, y compris à l'Assemblée nationale ou au Conseil des Ministres citaient l’Évangile, s'interpellaient avec des citations grecques ou latines…. Cela nous semblerait absurde aujourd’hui, mais derrière ce détail, on note surtout une baisse générale de la culture, de la connaissance. Et malheureusement, cela ne contribue pas forcément à une meilleure unité nationale à moins qu’on ne la limite à de grands événements culturels ou sportifs … ce qui ne fera jamais l'unanimité, tout le monde n'aime pas le foot !

 

Donc oui, il y a bien une disparition de cette Eglise visible et de ses aspects conventionnels. En même temps, puisque la foi, la religion et l'Église sont de moins en moins portées par une culture, son message devient aussi malheureusement de plus en plus inaudible pour les gens qui ne pratiquent pas ou plus, ou plus vraiment. Cela provoque souvent une confrontation dans les familles, entrainant parfois plus de tension que de guérison – mais sur ce point, le Christ nous avait prévenus.  

Ces tensions liées à la religion et particulièrement au christianisme voire au catholicisme, naissent d'une incompréhension liée justement à cette absence de foi. On va considérer l'Église, la morale ou même l'Evangile sans y croire. Et, il faut reconnaître qu’un œil non-croyant se posant sur la morale chrétienne, ne peut - presque - qu'être scandalisé. Il faut avoir la foi pour être capable d'appliquer la morale chrétienne. D'ailleurs, aujourd'hui, c’est « l'Évangile du divorce » [2]. « Si quelqu’un renvoie sa femme – sauf en cas d’union illégitime – et qu’il en épouse une autre, il est adultère » (Matthieu 19, 9). C'est quand même assez inaudible pour quelqu'un qui n'a pas la foi. L'Évangile lui-même le dit à la fin de ce chapitre « Celui qui peut comprendre, qu’il comprenne ! ». Certaines personnes ne comprendront malheureusement jamais. Sans la foi, c'est presque impossible de recevoir la morale de l'Église catholique et de ce fait les discussions en deviennent un peu stériles. 

 

La vérité, c'est que chaque personne doit d’abord avoir une relation personnelle avec le Christ pour ensuite recevoir la morale de l'Église qui est le Corps du Christ. Et puisque l'Église n'est plus tellement soutenue d'un point de vue politique (à la fois sur un plan « légal » depuis 1905 et très souvent de nos jours pour des raisons électorales), elle ne l’est plus non plus culturellement et ça, c'est plutôt une nouveauté. 

 

Il y a encore 20 ans, et c’est encore plus vrai dans les années 80-90, l’Eglise avait un poids culturel relativement important. Aujourd'hui, même les références les plus classiques et les plus évidentes, comme le 25 décembre par exemple, sont rejetées et c’est ainsi un moyen d’accès populaire à l’Evangile qui se perd. L'Église même n'est plus tellement soutenue ou observée. On revient, finalement, à ce qui était à l'origine, une forme d'Eglise un peu souterraine, qui n'agit plus tellement de façon publique parce qu'elle ne le peut plus vraiment. 

A Paris, il y a encore quelques « privilèges » qui demeurent mais dont les jours ou les années sont sans doute comptés. Par exemple, le simple fait de pouvoir faire une procession dans la rue est une sorte de privilège historique et culturel qui n'est pas vraiment remis en question dans l’attente possible, pour des raisons d'égalité avec les autres religions, d’en entrainer l’interdiction. C’est la même chose pour la sonnerie des cloches qui est autorisée alors que le muezzin ne l'est pas. C’est valable pour toutes les manifestations publiques de la foi. Ou encore, la loi de 1905 nous laisse toujours la possibilité de vivre dans des presbytères à prix extrêmement réduits alors qu’elle ne le permet pas particulièrement pour l'Islam ou le Judaïsme, ou pour une association non religieuse. 

 

Il parait probable que nous sommes en train de vivre les dernières décennies de ce privilège culturel, de plus en plus remis en cause, car les gens ne comprennent plus, ne pratiquent plus, ne connaissent plus l'Église.

 

Un jour, quelqu'un posera une question et on s’étonnera que ça existe encore. Cela apparait déjà avec la libre pensée qui déboulonne Saint-Michel et s’offusque d’une référence chrétienne dans un lieu public, criant à la discrimination et se heurtant à des arguments prônant des raisons culturelles et historiques. L’Eglise s’est longtemps accrochée à l’histoire et à la culture pour défendre ses privilèges, mais même cet argument faiblit puisque la foi chrétienne n’est plus tellement portée aujourd’hui ni par la culture ni par l'histoire. 

 

Nous sommes donc – de nouveau, pourrais-je dire – dans une grande période de transition, ce qui est aussi le cas pour la politique. 

[2] Mt 19, 3-12 -  Interview réalisée le 18 août 2023

 

Suite la semaine prochaine...