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Entretien avec André Robquin, diacre retraité de la paroisse

 

 

André, diacre retraité de la paroisse Saint Jean l'Evangéliste, nous a reçus plusieurs fois à la résidence Belle Fontaine où il vit maintenant.

 

Il est présent et actif tous les dimanches matin à la messe de Sainte-Bernadette.

 

Lors de notre rencontre, André est chaleureux et volubile, nous racontant beaucoup de ses souvenirs d'une vie très active. D'emblée il dit

« Toute ma vie j'ai eu du monde autour de moi. »

Tychique

André, vous êtes Angloy depuis plusieurs générations ?

 

André Robquin

Je suis né en 1926, rue du Rouge dans une maison datant de 1722. La propriété de mes arrières grands-parents s'étendait jusqu'au Cinq Cantons.

Ma mère a été élève de la première école de cuisinier à Paris. Elle avait un don et elle a travaillé comme cheffe-saucier dans le restaurant d'un hôtel en face du Palais de Chaillot. Mon père y était maître d'hôtel. Mes parents se sont rencontrés là. 

Ma mère est alors débauchée par un riche américain. Il dit qu'il veut "la dame à la sauce" pour être sa cuisinière et mes parents partent à New York. Ma mère revient à Anglet pour me mettre au monde puis repart aux USA.

 

Je reste à Anglet avec ma grand-mère qui vivait dans une gazonne (vieille maison). 

 

Quels souvenirs avez-vous de cette époque ?

Ma grand-mère m'a élevé avec des principes anciens. C'était obéir, être honnête, travailler la terre. Je l'aidais à cultiver le maïs avec l'ânesse Coquette. Ma grand-mère était mon adoration. Elle avait un pouvoir et quand dans le quartier il y avait un problème, les voisins venaient voir Marie-Jeanne. 

 

Et l'école ?

J'allais à l'école des Cinq Cantons avec les Espagnols nombreux dans le quartier. J'ai quitté l'école à 15 ans. C'était le collège qu'on appelait école supérieure et j'ai passé le brevet puis j'ai suivi le cours Pigier.

En 1944, à 18 ans, je fais partie d'un groupe de jeunes qui recueille les blessés et les morts et le 16 mars je participe à la défense du phare car tous les aérodromes de la façade atlantique sont bombardés. Sous le phare de Biarritz, il y avait des canons 155 orientés vers l'Espagne et les Landes. La DCA tire sur les bombardiers américains qui ne connaissaient pas la DCA. C'était confus.

Le frère de mon père est tué sur la ligne Maginot.

 


Après guerre, il y a un nouvel appel à la conscription, André a 20 ans et « tombe pile dedans ». Il demande » à aller le plus loin possible » poussé par l'aventure et part pour la Tunisie en bateau par Marseille. Il est volontaire pour les tirailleurs tunisiens qui partent 2 ans au Vietnam. Du coup il repart de Bizerte pour Marseille puis embarque sur « le Pasteur » pour l'Indochine.

 

André raconte :

Sur le canal de Suez, à Ismaïra où se croisent les bâteaux vers Ceylan, j'ai été invité au five clock tea par les anglais car je parle la langue.

J'arrive en Indochine par la rivière de Saïgon. Je marche à pied pour aller de Saïgon à Dalatte où l'on formait les cadres sportifs et comme je connaissais la dactylo, le commandant m'a pris pour faire le secrétaire et là je n'ai plus bougé.

C'était un bayonnais qui s'occupait de la formation et qui a fait sur place construire un fronton !

 

A noter qu'André est étonné et amusé que la professeure de yoga de la maison de retraite soit de cette même région du Mékong. De plus, en échangeant avec un autre résident pendant un déjeuner, il découvre que celui-ci était son commandant au Vietnam !

 

Après le Vietnam, André travaille à Paris pour un laboratoire pharmaceutique dans le quartier des Halles.

Je portais la paie aux femmes car à l'époque on payait les gens de la main à la main. 

 

Cela lui a permis d'avoir une bonne connaissance de la nature humaine lui même étant un homme cordial et aimant rencontrer les gens.

C'est ainsi que bien que n'ayant pas passé le bac, il est sélectionné parmi des candidats diplômés pour être directeur du personnel. Il travaille 45 heures par semaine et suit en plus une formation de 2 heures par jour.

Je travaillais jusqu'à minuit et cela pendant deux ans.

Quand ils m’ont désigné j'ai cru qu'ils s'étaient trompés…je n'y croyais absolument pas ! mais c'est vrai que je peux parler à n'importe qui... 

 

 

Aviez-vous une activité favorite en dehors de votre travail ?

C'est en 1945 que je m'engage dans les Genêts, le club de foot-ball de la paroisse. Je faisais du foot avec les jeunes d'Anglet. Après je n'avais pas beaucoup le temps mais quand j'étais directeur des affaires sociales à la poudrerie de Bergerac, j'ai formé un club sportif avec le délégué CGT. C'était quelqu'un d'admirable. Quand je suis parti, il est venu discrètement un soir m'apporter un bouquet de fleurs pour ma femme comme reconnaissance de notre relation. 

 

C'est le 1er avril 1950 qu'André se marie. S'il était fils unique, son épouse était d'une famille de 13 enfants. Ils eurent quatre enfants et leur très fidèle union dura 63 ans.

 J'ai été heureux toute ma vie même au décès de ma femme et deux mois plus tard à celui de ma fille. J'ai toujours eu comme modèle mon épouse. 

 

Pouvez-vous en dire plus ?

La première fois qu'on s'est vu, c'était à la kermesse de Sainte-Marie puis à la messe. Nous avions 19 et 17 ans. Elle avait un charisme. Elle disait « il n'y a qu'une chose dans la vie : c'est l'amour, celui que l'on donne et celui que l'on reçoit. Elle était artiste et ma fille aussi. Elle a peint 180 tableaux.

 




Foi et diaconat

Vous avez toujours eu la foi ?

J'ai été le premier enfant de chœur de la chapelle avec les sœurs du Refuge qui donnaient des soins gratuits aux espagnols et aux portugais (avant la construction de Sainte-Bernadette).

La messe était à 8h et demi à Saint-Léon et je me déplaçais à pied à travers champs. Quand j'avais dix ans, le jour de ma confirmation j'ai eu une révélation ; je n'ai rien gardé de la cérémonie sinon qu'il y avait l'Esprit-Saint. C'était gravé dans ma tête : « Oui c'est vrai Tu es le Seigneur ! » Et j'ai pris conscience de l'Esprit -Saint. Cela m'a titillé toute ma vie.

Quand je prenais des décisions différentes de ce que je croyais normales, je sentais que j'étais guidé. 

 

Dans votre vie professionnelle, est-ce que votre foi comptait ?

Oui c'était mon souci constant ! Un jour il a fallu trancher pour un garçon dont la femme le poussait à voler. J'ai dû le renvoyer mais je l'ai aidé à retrouver un autre travail. C'était un des meilleurs ouvriers et il a relancé une boîte.

Ce sont des choses pénibles à faire car on n'a pas le droit de juger mais de voir ce qu'ils ont de bien et ce qu'ils font de bien.

Ce qui prévaut dans la vie, c'est l'amour. Il faut extraire les qualités des personnes.

C'est ce que disait Marie-Madeleine mon épouse, c'est l'amour qui compte.

 Comment êtes vous devenu diacre ?

A Anglet, il y avait 6 paroisses mais avant Saint-Bernadette, le curé de la chapelle m'a demandé. Ma femme était d'accord alors j'ai fait 3 ans d'études ; j'allais tous les week-end à Poitiers ou Périgueux. C'est ma grand-mère qui m'a orientée vers une foi travaillée, je ne me suis pas arrêté à la grande communion.

 

Qu'est-ce que cela représentait pour vous le diaconat ?

Diaconos veut dire servir. Quand le Christ est réapparu, les Douze ont pris la responsabilité chacun de son peuple ou sa tribu. Beaucoup voulaient être chrétiens alors des personnes de confiance ont été choisies pour aider les apôtres autour du bassin méditerranéen pour évangéliser et baptiser.

 

Pour vous c'est quoi être diacre aujourd'hui ?

Le diacre se penche vers les problèmes des gens, assiste les pauvres. Maintenant ce sont les associations qui le font. Je prêchais une fois par mois. Aujourd’hui à Sainte-Bernadette, je regrette de ne pas pouvoir participer davantage à la messe.

 

Quand avez-vous était ordonné ?

J'ai été ordonné diacre permanent, le 19 février 1989, le jour de la Sainte Bernadette dans l'église Sainte-Bernadette par Monseigneur Pierre Molères.

 


Aujourd'hui, qu'est-ce qui vous réjouit ou bien vous peine ?

Ce qui me réjouis c'est que des groupes se forment dans le sens d'une recherche de la fo i: qu'est-ce que la foi, pourquoi je crois ?

Des personnes se posent des questions, c'est bien de voir ça pour les personnes qui voient la fin des haricots !!! Pour ma part, je n'ai aucune crainte et j'attends patiemment le dernier moment pour rejoindre ma femme qui a dit : « Je crois en Dieu, on se retrouvera là-haut.»  On s'est rencontré et on s'est toujours aimé. Ce qui fait éclater les couples, c'est quand le travail et le lieu de vie sont éloignés.

 

Est-ce que vous regrettez quelque chose ? 

Si la vie était à recommencer, je referais pareil.

Propos recueillis par Marie-Bénédicte Mantel et Olivier Girard