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Homélie du 26 dimanche de l'année B - 29 septembre

par l'abbé Gad Aïna

Frères et sœurs dans le Christ,

 

En ce dimanche, des migrants et des réfugiés, nos pensées se tournent vers tous ceux qui quittent leurs pays bien souvent pour des raisons de survie. Le Pape François nous rappelle, pour cette célébration, que nous tous, peuple de Dieu, sommes des migrants sur cette terre, en route vers la « vraie patrie », le Royaume des cieux. Les migrants sont une icône contemporaine de ce peuple en chemin, de l'Église en chemin et, en même temps, c'est en eux et en tous nos frères et sœurs vulnérables que nous pouvons rencontrer le Seigneur qui marche avec nous.

 

Et je voudrais entrer dans les textes de ce dimanche avec cette ouverture que la raison, le nationalisme, les radicalismes interdisent mais que l’Esprit de Dieu et la charité qu’il inspire autorisent et ordonnent. En effet y aurait-il une manière plus authentique d’être chrétien, que d’être catholique c’est-à-dire universel, s’ouvrir aux dimensions de toute l’humanité ?

 

Le ton est donné, nous allons jusque dans le raffinement du spirituel démonter le monopole, dépister l’exclusion sous les allures de l’orthodoxie, et fustiger l’accaparement si souvent exalté ! Rassurez-vous je ne fais pas de la politique, je suis bien dans les textes de ce dimanche !

 

Nous connaissons la scène de la première lecture, le grand Moïse choisit 70 anciens, mais Dieu en choisit 72. Moïse utilise l’institution des Anciens déjà existante et à ceux qu’il choisit et amène à Dieu, le Seigneur donne une part, tenez-vous bien de l’esprit de Moïse. Quant à Eldad et Médad, Dieu donne son esprit. Averti, l’institution se réveille, son vaillant défenseur, Josué, de bonne foi bien sûr, s’offusque et s’élance : ‘‘arrête-les !’’. Sa jalousie pour son maître, dont celui-ci est bien conscient pousse Moïse à prophétiser une Pentecôte : ‘‘si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux, pour faire de tout son peuple, un peuple de prophètes !’’

 

Par cette attitude, Moïse, le serviteur de Yahvé, montre sa générosité. Bien plus, cette réaction de Moïse arrache à Josué la défense d’un monopole spirituel qui risque de scléroser jusqu’à la démarche qui avait été entreprise. En effet, percevant la fatigue de Moïse qui se surmenait, le Seigneur lui demandât de choisir soixante-dix anciens pour le seconder dans les affaires du peuple. Josué s’il allait plus loin s’attaquerait non seulement à Eldad et Médad mais ruinerait surtout la répétabilité du dessein premier du Seigneur de donner son esprit et d’associer des hommes à Moïse. Bien pire, pouvons-nous penser qu’il s’octroie ainsi le droit de juger même jusqu’à l’agir de Dieu et d’interdire à ce dernier de prendre des initiatives au-delà de l’institution. Quel zèle ou plutôt quelle outrecuidance ! Partout où nous ressentirons cette gêne, prêchons et œuvrons pour une nouvelle Pentecôte : une diversité qui aboutit dans la communion. 

 

Je nous proposais ensuite, frères et sœurs, de dépister l’exclusion jusque dans le spirituel. Je ne demande pas un relativisme. Mais dans la logique de la première lecture, repérer, reconnaître par un discernement des esprits, l’action du Saint Esprit lui-même. Je voudrais rappeler les mots d’un saint pape.

 

"N’ayez pas peur, annonçait Jean-Paul II. Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ, à sa puissance salvatrice. Ouvrez, ouvrez les frontières des États, des systèmes politiques et économiques, ainsi que les immenses domaines de la culture, du développement et de la civilisation. N’ayez pas peur !" (1)

 

Le Pape venait d’identifier une cause secrète qui se greffe à la jalousie susmentionnée. La peur, pour ne pas la nommer, vient flouter complètement notre jugement. Et quand elle parvient à se greffer, se marcotter, se reproduire et se disséminer dans l’amour propre ou l’orgueil, la soupe est perverse. Absolument .

 

Heureusement que comme Moïse, Jésus s’en éloigne. Le reproche à Jean nous fait comprendre que l’appartenance à Jésus-Christ, même sous prétexte d’orthodoxie, ne saurait valider une option unique et exclusive du groupe au point d’empêcher et annihiler la floraison de nouveaux charismes ! On ne peut suborner, corrompre et entortiller ainsi l’Esprit de Dieu en l’annexant comme un bien propre à sa pensée ou à son vécu. Nous servons Dieu et nous le suivons. Ce n’est guère l’inverse. Et il n’est nullement un devoir pour le Seigneur de se conformer, ou de s’assujettir à nos catégorisations monolithiques, furent-elles intellectuelles, confessionnelles, politiques et sociales. 

 

Je relie la deuxième lecture à cet élan que je nous propose. La richesse est une bénédiction de Dieu, et bien sûr, Dieu sauvera la terre et le ciel car ils font partie du projet de salut. Toutefois, protéger un environnement vorace, un système qui appauvrit les faibles et les fragilise, gruger le salaire du travailleur, s’affirmer économiquement dans la société en ne pensant qu’à soi, ou étant sourd aux réels appels de détresse, c’est nier par le même fait la solidarité vis-à-vis des autres hommes. Voilà en quoi les biens ou leur recherche deviennent détestables aux yeux de Dieu. En effet, ces tendances qui favorisent la consommation et la thésaurisation éloignent de la charité et bien évidemment de la gratitude vis-à-vis de Dieu.

 

Prions que nos combats favorisent l’accueil des personnes périphériques de la vie, de la société ou de la religion ! Prions que la recherche de notre bien-être favorise la charité à l’endroit des déclassés de l’économie capitaliste ou libérale ! Prions que l’Esprit Saint accomplisse dans l’Eglise et tous les peuples une nouvelle Pentecôte !

 

 

(1) C’était le 22 octobre 1978, place Saint Pierre, le discours du nouveau Pape lors de sa messe inaugurale !