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Homélie du 29ème dimanche de l'année B - 20 octobre

par l'abbé Gad Aïna

Frères et sœurs dans le Christ,

 

La gloire du serviteur, récompense de son sacrifice

En ce dimanche de la journée mondiale de la mission, rappelons-nous quelques points fondamentaux. De fait, la mission commence par un appel reçu de Dieu qui nous envoie vers d’autres personnes réaliser son projet ou l’objet de la mission. Je ne peux donc m’inventer une mission, je la reçois. Je ne peux changer la mission : ses conditions et ses objectifs sont fixés par Dieu. Je ne dois exclure aucun des destinataires, c’est à eux que s’adresse ma mission. Ainsi, le missionnaire ou l’envoyé est d’abord un serviteur. Sa volonté relaye la volonté de son maître, son agir accomplit le projet de son Seigneur. L’absorption totale de l’envoyé dans la mission, sa subordination absolue à son maître et sa soumission aux conditions constituent les indispensables de la mission. 

 

Ainsi, le serviteur souffrant de la première lecture reflète la mission de son envoyeur : faire de sa vie un sacrifice d’expiation pour le salut des multitudes. C’est à Dieu qu’il plaît en premier de l’exposer à la souffrance comme conséquence d’un délit que le serviteur n’a pas commis. Dieu décide de l’envoyer faire réparation pour un grand nombre. Et le serviteur se soumet à la volonté de Dieu pour payer la dette que les pécheurs ne peuvent pas eux-mêmes solder. Imaginez le Serviteur, se substituer à la place des condamnés, soulever la charge de leurs péchés, porter les pécheurs et ensuite les secouer sur lui, comme pour les dépouiller du mal et de ses causes profondes. Regardez-le ensuite comment ainsi revêtu et reconnu comme un malfrat, il donne le meilleur de lui-même, sa vie. Remarquez enfin comment la volonté de Dieu l’a désigné, comment son obéissance de serviteur l’a qualifié, comment son don jusqu’au bout l’a authentifié. La mission se reçoit donc Dieu. Pour demeurer dans la vérité, le missionnaire devient un serviteur dont les actes accomplissent et confirment la mission qui est profondément un acte d’amour extrême à l’égard du Seigneur et des sauvés !

 

La mission, nous l’avons compris, est impensable sans le témoignage. Le témoignage dans la première lecture se vit jusqu’au don de la vie. Elle vient de Dieu. La vie est représentée par le sang. Le sang est également symbole l’âme, vitalité que Dieu a mise en l’homme et liée à son souffle. Avec toute cette valeur évoquée, le sang dans le sacrifice comprend pareillement la notion de purification par excellence. En souffrant jusqu’au sang, le serviteur donne le témoignage dernier du martyre : accomplissement des modalités de la mission et aboutissement du don de sa vie pour la même mission. En conséquence, le témoignage se déploie à la fois comme le corps et le cœur de la mission. Il s’exprime par le don de son souffle, l’offrande de son corps et de son âme, de sa vie, le sacrifice de sa volonté, l’engagement don de son être.

 

De plus, chez Isaïe, la figure du Serviteur peut être comprise comme représentative d’une personne comme nous le percevons bien évidement dans le Christ Jésus. Le prophète cependant laisse penser aussi que l’image du serviteur représente le peuple élu. Cela revient à comprendre que concomitamment, nous sommes individuellement configurables au serviteur, et réunis tous ensemble dans le peuple de Dieu qu’est l’Eglise, nous sommes le serviteur.

Alors nous reconnaissons-nous encore dépendant de Dieu pour être ses envoyés pour la mission ?

Quelle œuvre pouvons-nous accomplir dès maintenant pour actualiser la figure du serviteur ?

Avons-nous encore le sens des autres vers lesquels Jésus nous envoie : « allez et invitez aux noces tous ceux que vous verrez » ?

Avons-nous encore cette empathie pour rejoindre les autres dans leur manque de Dieu ?

Recherchons-nous à formuler un oui décidé, une décision qui nous lève pour accomplir la volonté de Dieu ?

Avons-nous encore le courage de témoigner de lui de tout notre être ?

En effet, dans une société où l’on quête des assurances, qui aurait envie de prendre un tel risque, surtout que le chemin est pavé d’embûches et de souffrances ?

 

Un point lumineux et porteur se dégage cependant des souffrances volontaires du Serviteur : la libre offrande de soi-même. Cette offrande de sa personne projette déjà une abolition du sacrifice des animaux vu qu’il la dépasse totalement. Cette offrande dépasse en qualité celle de tous les animaux. De plus cette offrande en partageant avec lui sa nature intime, inclut le pécheur dans la dynamique du sacrifice. Chacun peut s’insérer à la suite de Jésus dans ce don. La qualification de la victime révolutionne même le sacrifice et établit le nouveau modèle de tout sacrifice chrétien dont il est aussi le principe. L’homme, par-delà la solidarité et en vertu du Christ, peut partager la souffrance d’un autre homme, se mettre à son service pour le sauver dans le Christ. Pour cela, tous ceux qui suivent Jésus sont appelés à servir et non à se faire servir.

 

L’engagement à servir comme lui est le chemin de la gloire. La deuxième lecture montre la pénétration dans le sanctuaire céleste comme une montée. La montée renferme les souffrances et la passion de Jésus qui le mènent à la croix. N’a-t-il pas affirmé lui-même : « quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ». Ce passage de l’Ecriture dévoile que l’entrée dans le ciel coïncide avec le sacrifice. Ce n’est pas une gloire que l’on cherche en luttant ou en écrasant ou encore en dépassant les autres. Jésus entre dans le Ciel par ses souffrances. Le ciel est le sanctuaire par excellence puisqu’il est la demeure de Dieu. Jésus y entre et accomplit son sacrifice ultime. C’est donc porté par ses souffrances que tous les croyants perçoivent Jésus entrant dans le lieu où réside le Créateur tout-Puissant.  Le lieu éminent du sacrifice confère à celui-ci une qualité sublime. Pour nous il s’agit de comprendre que c’est l’effort de se détacher de soi, d’aller vers les autres, de donner sa vie pour l’Evangile et pour les autres élève les serviteurs que nous sommes. La seule ambition des princes de l’Eglise, s’ils existent, sera de porter la volonté de Dieu, sa Parole et attendre la récompense de Dieu qui envoie en mission. Oublier cette voie et percevoir son rôle ou sa fonction comme un pouvoir, une domination, résonneront désormais sinon au moins pour chacun ici comme s’attribuer à soi-même sa mission et refuser de la confronter à celle du Christ. Ne rien faire c’est refuser comme le jeune homme du dimanche dernier, de suivre le Christ.

 

Prions que l’Esprit réalise une nouvelle pentecôte pour notre époque, prions que de nouveaux ministères et charismes surgissent dans nos communautés, prions que l’amour de Jésus et le service des frères transforment nos appétits de pouvoir et de fausse gloire. Que Dieu nous donne réellement de nous mettre au service les uns des autres.

 

Amen