par l'abbé Gad Aïna
Frères et sœurs dans le Christ,
En marche !
A ce qu’il paraît un parti ainsi nommé a révolutionné le paysage politique français. Je ne veux accomplir aucune transformation politique, rassurez-vous ! Encore moins faire de la politique. Frères et sœurs, cette expression est toute biblique et acquiert un sens particulier en cette fête de Toussaint. Je voudrais nous faire vivre cette solennité avec ces éléments de marche, de départ, et d’arrivée.
En marche est la traduction littérale de ‘‘heureux’’. D’après Chouraqui, pour penser en hébreu ou en araméen, comme Jésus, on ne dirait pas heureux suivant le grec mais en marche. Il suffit donc de remplacer à chaque béatitude, heureux par ‘‘en marche’’.
« En marche, les humiliés du souffle ! Oui, le royaume des ciels est à eux !
En marche, les endeuillés ! Oui, ils seront réconfortés !
En marche, les humbles ! Oui, ils hériteront la terre !
En marche, les affamés et les assoiffés de justice ! Oui, ils seront rassasiés !
En marche, les matriciels ! Oui, ils seront matriciés !
En marche, les cœurs purs ! Oui, ils verront Elohîms !
En marche, les faiseurs de paix ! Oui, ils seront criés fils d’Elohîms.
En marche, les persécutés à cause de la justice !
Oui, le royaume des ciels est à eux !
En marche, quand ils vous outragent et vous persécutent, en mentant vous accusent de tout crime, à cause de moi »
Si l’on perçoit le discours de Jésus ainsi, on peut affirmer que la règle qu’il donne sur la montagne à tous les disciples de tous les temps est de se mettre en marche. Quand on marche, on se lève et on quitte un lieu de départ et on a une ligne ou un lieu d’arrivée. Ainsi en est-il des saints inconnus et connus que nous célébrons. Pourquoi en marche ?
L’évangile lui-même donne une situation initiale et une situation finale. Donc le marcheur que nous sommes à la suite de Jésus, sommes humiliés, endeuillés, humbles, matriciels (avec les entrailles d’une maman), faisant effort de pureté, de paix, de justice. Voilà nos manques, nos besoins, notre ligne de départ. Et nous nous levons, nous nous mettons en marche pour arriver à une destination : l’héritage des ciels, le bénéfice du réconfort, le rassasiement de la justice, la satiété de la miséricorde, la satisfaction d’instaurer la paix, le ravissement d’édifier un monde de justice, la délectation de la pureté. Voilà la charte du Royaume. C’est une carte pour marcher et nous y voyons clairement les sentiers à emprunter qui sont de véritables chantiers de toute la vie chrétienne. Mais qui s’y mettra et quand ?
Vous, moi, chacun de nous ! La deuxième lecture l’indique bien. Nous sommes devenus enfants de Dieu. Mais nous avons une destinée qui attend d’être réalisée. La réalisation advient lors de la marche vers la fin. Cette marche est un devoir familial, nous le vivons individuellement et elle nous engage aussi ensemble. Cet engagement tient vis-à-vis de Dieu, des autres et de la famille que nous constituons, l’Eglise. Nous sommes enfants de Dieu maintenant mais nous sommes en train de le devenir pleinement. Notre ressemblance à Dieu passe par ces sentiers que Jésus nous trace. Si nous avons une situation de départ au moment où nous devenons enfants de Dieu, il y a bien sûr une situation finale où nous serons comme Dieu et avec Dieu. Il n’y a donc aucune valeur à rester au point de départ. A quoi sert-il d’être un chrétien qui ne bouge pas, qui n’avance pas ? Celui-là, s’il existait, retarderait le groupe et rendrait la marche commune plus difficile. On peut également se poser cette question. Ne pas entrer dans cette course d’endurance vers le but final de la communion en Dieu permet-il à quelqu’un qui dit suivre le Christ d’être vraiment un suiveur ? Si l’identité d’enfant est entretenue par la marche quelle identité a donc celui qui ne veut plus marcher ? Devenir Saint n’est-ce pas marcher à la suite de Jésus, pour être comme lui et avec lui ?
Nous venons de comprendre la vie chrétienne comme une marche, nous avons compris que le point de Départ c’est Dieu qui a fait de nous ses enfants. Nous avons perçu que la marche entretient notre nature d’enfant de Dieu et nous permet de lui ressembler à la fin de la course, une fois réunis avec lui. Mais alors comment sera l’étape finale de la réunion. A l’arrivée qui verrons-nous ?
Voilà quelles sont les réponses de la première lecture. Nous verrons une foule nombreuse des saints inconnus avec ceux dont les noms sont inscrits au martyrologe, ces personnes qui nous ont précédés dans la félicité éternelle. Ils ont été comme nous et sont déjà à la fin de la course. A l’arrivée, ils sont habillés de blanc symbole de la dignité et de l’élévation divines. Ils sont gratifiés d’une palme, signe de la victoire sur tout type de mal et de souffrances. Ils sont innombrables, nous ne sommes pas seuls. Ils sont avec les êtres et les esprits des cieux, les Anges. Ils sont dans le temple de Dieu donc à sa droite. Ils le voient face à face et le célèbrent. Ils communient à sa gloire à laquelle ils adressent une hymne de louange. Ce n’est pas un tableau, ni un cliché, ni une œuvre d’art mais une autre vie possible en Dieu et avec Dieu. Ceux qui nous en donnent la preuve sont là, ces hommes, ces femmes, ces enfants, ces jeunes et ces vieillards qui sont devenus saints. Ils entourent l’Agneau représentant Jésus victorieux dans sa Pâque. L’Agneau siège sur un trône, proclamation de son pouvoir et de sa divinité.
En vivant cette fête, frères et sœurs, nous rendons actuelle cette liturgie céleste parce que nos gestes de ce matin communient à ce qui se passe devant Dieu ! Plongeons-nous donc dans cet office céleste avec la foule innombrable de tous les temps et de tous les peuples. Communions à leur joie, unissons-nous à leur bonheur. Réjouissons-nous avec nos vainqueurs. Fantasmons de ce que nous serons. Ils ont, en effet, reçu les palmes de consécration après leurs efforts ici-bas. Les saints, pour reprendre le ‘‘en marche’’, sont ceux qui ont achevé leur marche sur la terre et qui ont déjà reçu la couronne de gloire.
Voilà notre ‘‘En marche’’.
Veux-tu marcher avec Jésus et chacun de nous ici ?
Veux-tu que nous fassions une partie de la route avec toi que tu ne sois pas tout (e) seul(e) ?
Veux-tu quitter ce cocon où tu te coinces, inconfortablement installé, comme enfant qui ne bouge pas beaucoup ?
Veux-tu quitter l’obésité de tes pensées retournées sur elles-mêmes ?
Veux-tu quitter l’arthrose de tes vieilles habitudes qui gangrènent les jambes et empêchent d’aller de l’avant ?
Veux-tu retrouver cette indépendance de la marche à la suite de Jésus ?
Si tu le veux, lève-toi et marche !
Mets-toi en marche maintenant pour construire ce monde et cette béatitude, comme les saints ! le top est donné :
En marche, en marche !