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Homélie pour le 11 novembre - Commémoration de l'armistice de 1918

par l'abbé Gad Aïna

Frères et sœurs dans le Christ,

 

Aujourd’hui, je vous invite à une anamnèse.

Je souhaite ici proposer trois sens qui nous rejoignent et qui appellent à une réflexion et des actions auxquelles on ne saurait se soustraire.

 

D’abord, l’anamnèse est le retour à la mémoire du passé vécu et oublié ou refoulé. Dans cette perspective elle s'oppose à amnésie. De nos jours, le refus de la culture, l’oubli de l’histoire n’est plus un fait divers. Focalisés sur les besoins du quotidien et pressés d’y répondre avec passion, les peuples qui oublient l’histoire et ses leçons sont condamnés à répéter les mêmes erreurs. Et Dieu sait combien de fois après nos erreurs, nous nous rappelons que nous aurions pu les éviter en prenant des décisions après avoir fait anamnèse.

 

Vous savez certainement aussi qu’une partie de la messe s’appelle : une anamnèse. Elle rappelle la mort de Jésus, la célébration de sa résurrection et l’attente de son retour pour un règne de justice de paix et d’amour. Cette messe pour l’armistice de 1918 nous rappelle l’engagement historique de tout un pays, pas seulement des politiques ou des hommes au front, mais des femmes, celles-là qui ont perdu leurs enfants, leurs époux, leurs frères, les femmes dont la vie a tourné au drame et qui ont dû travailler pour satisfaire l’effort de guerre et s’occuper seules des enfants. Je pense pareillement à toutes ses femmes des colonies, car la France était un état colonial, ces femmes qui ont offert un douloureux et onéreux sacrifice à l’autel de la mort pour la Patrie.

 

Se rappeler c’est ne pas oublier. Ne pas oublier. Mais que ne doit-on pas oublier ?

 

D’abord ne jamais oublier l’engagement pour la paix. L’enseignement moral de l’Eglise rappelle que : 

« La paix ne peut s’obtenir sur terre sans la sauvegarde des biens des personnes, la libre communication entre les êtres humains, le respect de la dignité des personnes et des peuples, la pratique assidue de la fraternité. Elle est " tranquillité de l’ordre " (S. Augustin, civ. 10, 13). Elle est œuvre de la justice (cf. Is 32, 17) et effet de la charité (cf. GS 78, §§ 1-2). » CEC 2304

 

Ensuite ne pas oublier le combat pour la démocratie. Actuellement encore la tentation des empires, le réveil sourd mais évident des fascismes, les radicalisations politiques, l’entretien des divisions sociales, la déconstruction du tissu économique, la raréfaction des défenseurs rassembleurs de la République et des veilleurs sereins de la paix fournissent des raisons de peur, de haine, d’anxiété qui doivent nous alarmer. Cette attitude vient aussi de l’anamnèse.

 

Du grec ana (remontée) et mnémè (souvenir), l’anamnêsis, ou action de rappeler à la mémoire, en médecine, consiste également en la convocation du passé afin de disposer de données historiques fournies par le patient, susceptibles d’expliquer une pathologie présente.
Relire l’histoire pour dépister les maladies présentes afin d’établir un bon diagnostic de la nation et agir de manière opératoire pour le bien de la nation.

 

Quelle valeur aurait le simple rappel du million de morts et des six millions de blessés et mutilés, quelle valeur aurait l’allumage symbolique de la flamme au soldat inconnu quelle valeur aurait la parade aux monuments aux morts si l’on n’accomplit pas une véritable anamnèse ?