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Enseignement - Jean-Baptiste, collaborateur de la vérité

par l'abbé Gad Aïna

Jean- Baptiste, collaborateur de la vérité

 

« Jean est son nom » (Lc 1, 63), Zacharie reprend ainsi l’appellation de l’Ange (Lc 1, 13), connue d’Elizabeth (Lc 1, 60), on ne sait comment. Sans doute Zacharie lui aurait dit ou l’Ange aurait également visité Elizabeth. Luc n’en parle pas cependant. Voilà ainsi réunie la famille de celui qui marchera devant le Seigneur et préparera ses voies (Lc 1, 76) avec l’esprit et la puissance d’Elie (Lc1, 17), communément appelé, le Précurseur et auquel son activité prophétique attribuera le titre de Baptiste.

Jésus dira de lui qu’il est le plus grand des enfants nés d’une femme (Lc 7, 28), plus qu’un prophète (Lc 7, 26). Pourtant ses congénères verront en lui un possédé (Lc 7, 33). Son ascèse en effet accomplit la figure d’Elie (Mt 17, 12) au point d’être considéré comme le Messie (Mt 16, 14) même après sa mort (Ac 18, 24-19, 7).

La vérité sur sa personne a dû être faite mais Jean a pris sur lui de dire la vérité aux prêtres et docteurs de la Loi, à Hérode. Ce choix permanent de la vérité n’a pas fait disparaître tous les points d’ombre de sa vie, cependant il a donné son témoignage jusqu’au martyre.

 

1. Jean était un personnage très important mais juste et humble.

Pour preuve, il a été considéré comme le messie. Les disciples de Jésus lui dirent à Césarée que beaucoup croient qu’il est Jean le Baptiste. Hérode le croyait aussi et aimait l’écouter (Mc 6, 20) pensant que Jésus était en fait Jean revenu des morts. La raison est d’abord la force de la figure de Jean.

En dehors de Jésus, Jean est le seul dont on raconte la naissance dans le Nouveau Testament, le seul dont l’Evangile reprend la naissance surnaturelle annoncée par un ange (Lc 1, 13) comme Isaac, Samuel ou Samson. Il est voulu par Dieu, appelé dès le sein de sa mère pendant la visitation. Il est le seul en dehors de Jésus.

 

Après, il faut reconnaître son ministère impressionnant relayé par Jésus. 

 

Son annonce de la proximité du règne de Dieu (Mt3, 10) est repris par Jésus et après parles Apôtres. Jean a annoncé aussi la proximité du jugement de Dieu (Mt 3, 10). Il a donné des préceptes moraux (Lc 3, 10-14). Il a invité au baptême en signe de conversion que Jésus qualifie venant de Dieu (Lc 20, 4-5). Remarquons là aussi que Jésus a commencé son ministère au Jourdain et qu’il baptisait sur la rive opposée à l’endroit où Jean baptisait (Jn 1, 28). Le baptême du Baptiste était ouvert à tous y compris les publicains (Lc 7, 29) perspective d’ouverture que Jésus reprend aussi. Jean drainait alors du monde car il était perçu comme l’accomplissement du messie attendu par Israël. Alors les sadducéens et les docteurs de la Loi ont dépêché une délégation pour être fixés. Jean 1, 19- 34 donne une construction magnifique dans laquelle l’objectif est de convaincre que Jean n’est pas le messie (Jn 1,20), qu’il prépare plutôt la venue de celui-ci (Jn 1, 22-23). Jean leur dit simplement non ce n’est pas Elie ; non, je ne suis pas le messie. 

 

Je voudrais aborder ici la culture de la vérité pour parler de soi, en toute justice : sans se diminuer et sans trop en montrer. Il ne faut ni se sous-estimer, ni se mésestimer, ni se surestimer. La culture de la vérité à partir de la figure de Jean nous invite à une juste appréciation de notre personne et aussi de notre mission. Avoir une claire conscience de qui on est c’est commencer par refuser qui on n’est pas, sans faire semblant. Enlever les feuilles dont nous recouvrent les autres, pour laisser les nôtres vraies et nourries de notre différence voulue par Dieu. Pour atteindre la vérité sur soi, la supporter malgré nos faiblesses ou nos défauts, pour reconnaître la vérité de sa personne sans rien arranger ni édulcorer, il nous faut poser un regard juste sur qui nous sommes par rapport à Jésus

 

Dans la préparation à Noël, par rapport à Jésus, éviter de faire semblant. Jusques à quand ferai-je semblant au point de détruire l’image de Dieu que je suis seulement pour donner une image satisfaisante à des amis ? La justice sera de choisir d’être le bon grain et de diminuer les fruits de l’iniquité symbolisée par l’ivraie ou le mauvais grain. 

 

A ceux-là, chefs du peuple qui s’enquéraient, Jean répond, non, je suis la voix, je suis le préparateur du chemin. La vérité exige parfois un non ferme sincère et sans violence, en toute justice. Ce non n’est pas une fermeture sur soi. Le texte d’Isaïe 40,3 qu’il paraphrase dit : « j’ouvre la route ». Ouvrir la voie à d’autres que nous, c’est travailler à bien orienter, à encourager. Ouvrir la route, pour nous chrétiens, consiste aussi à éveiller ceux qui nous entourent à Dieu. Ouvrir la route vers le Christ à tous ceux qui sont coincés ou peinent à le rencontrer. 

Ce comportement nous permet d’évoquer une vertu autant importante dans la figure de Jean-Baptiste : l’humilité qui donne aux autres de croître. Dans l’enquête officielle Jean répond qu’il n’est pas digne de défaire la courroie des sandales de Jésus qui était avant lui alors que Jean le précède dans cette vie (Jn 1, 19-30 ; Lc 3, 16). Cette modestie se nourrit dans le refus de développer une prétention déraisonnable s’opposant ainsi à toute forme d’orgueil même au cœur de la mission que Dieu ordonne. Rappelons-nous, si Dieu le voulait même des pierres que voici, il peut faire des enfants à Abraham (Mt3, 9). C’est également un abaissement constant pour obéir à Dieu. Ne dit-il pas celui qui m’a envoyé m’a dit celui sur qui tu verras descendre l’Esprit, celui-là est l’Agneau de Dieu. Et Jean obéit.

 

Mes frères, l’humilité s’apprend parfois dans l’humiliation qui nous tourne vers Dieu, qui nous retourne vers lui notre cœur, qui abaisse notre volonté pour qu’elle s’abîme dans la sienne. L’humilité est alors une culture qui coûte. Quel que soit le niveau auquel Dieu nous associe à son œuvre, le travail de l’humilité est indispensable car comme j’aime à dire, nous n’avons pas inventé le service, nous en sommes les serviteurs. Pour cela, Jean est un exemple ; il n’avait pas de brume dans sa tête, ni à cause de la notoriété, ni à cause de la foule, ni même à cause de sa mission. La vérité sur soi est donc le fruit de la justice et de l’humilité.


2. Jean disait la vérité à son peuple et aux rois

 

La méditation sur la figure de Jean le Baptiste ne peut s’exonérer de son rapport au peuple et au pouvoir public ou politique. Le saint est une figure transversale à la société. Alors même qu’il ne fait pas d’action politique, son message, son attitude et son aura drainent les foules, inquiètent les responsables. Et se sentant, certains viennent s’enquérir de la situation. D’autres, embêtés, réagissent violemment : soit une violence sourde par complot soit une violence ouverte qui aboutit au martyre. Cela nous renvoie à réfléchir sur le témoignage. Jésus dit à Pilate qu’il est venu rendre témoignage à la vérité (Jn 18, 37) mais l’Evangile de Jean dans son Prologue dit que le Baptiste est né pour rendre témoignage à la lumière (Jn 1, 7). Si la Lumière c est Jésus le témoignage à rendre pour préparer la venue, c’est parler de Jésus. 

 

Ce bon témoignage, il l’a rendu en invitant à la conversion. Je me mets donc dans ce sillage. Pour commencer, trouver dans le temps que nous mettons à préparer réveillons, spectacles ou voyage, la joie de nous asseoir, la paix de la prière et la profondeur de l’espérance chrétienne. Mettre la lumière de Jésus dans notre programme quotidien. Le deuxième témoignage sera que nos déclarations en groupe ou comme en famille apportent de la lumière et non la confusion et le trouble.

 

Jean a donc annoncé la conversion à son peuple. Un message de retour au Seigneur, une invitation à revoir sa vie, une charité pour soi-même. Mettre la lumière qu’est Jésus dans nos vies. Une lumière qui éclaire en permanence et nous sauve par relation plus vivante, plus orientée vers Dieu. Jean ne prépare pas les routes avec des guirlandes – la ville s’en charge si bien – Jean prépare les esprits à changer pour accueillir un hôte intérieur comme un hôtel qui reçoit son propriétaire. Alors à Jésus, quelle place vais-je donner dans ma préparation à Noël ? Sera-t-elle la meilleure. Sur quels points vais-je m’améliorer pour accueillir Jésus et demeurer avec LUI. Méditer sur Jean le Baptiste sera donc établir un chemin pour aller vers Dieu et devenir une meilleure version de soi-même

 

Pour Noël enfin, la figure de Jean-Baptiste nous invite à témoigner de la vérité à ceux qui nous gouvernent et à revisiter notre attitude face à un message vrai qui nous heurte. Commençons par dire la vérité à ceux qui nous gouvernent. Je ne veux pas faire une critique de la déconnexion des politiques, des lois ou encore de leurs positions circonstancielles. Je ne veux pas non plus parler de la machine dans l’état qui sous les couleurs de laïcité veut décolorer l’histoire et l’héritage chrétiens. Je ne saurais ici aborder les lois contre la vie soutenues par une logique de la minorité. Je souhaite simplement affirmer que nous devons nous éduquer et d’éduquer nos enfants à prendre position dans le sens du bien et de la foi. Notre responsabilité de vérité devant l’histoire est permanente. Et dans cette collaboration avec la vérité, l’engagement est de tous les lieux que nous fréquentons.

 

Je finis par une attitude qui tue la voix du prophète. Hérode aimait écouter Jean-Baptiste. Cela ne l’a pas empêché de l’emprisonner. Il se rendait compte de la vérité mais a préféré choisir son honorabilité ou sa place sociale en sacrifiant le Prophète. A quoi sert-il d’aimer écouter Dieu ou sa Parole si au finish cela ne change rien en nous ? Pourquoi emprisonner la voix du prophète en nous-mêmes au lieu de la libérer ? Le pire, à l’instar d’Hérode, serait de piéger ceux qui nous disent la vérité en les payant de leurs faiblesses ou de leurs erreurs ou encore préférer sacrifier celui qui dit la vérité pour végéter dans le confort d’un amour-propre égoïstement flatteur.

 

Puisse ce temps d’avent avec Jean-Baptiste faire de nous des collaborateurs de la vérité jusqu’au bout