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Enseignement - La Visitation

par l'abbé Gad Aïna

Dans le cadre des méditations du temps de l’Avent cette deuxième méditation après celle sur Jean- Baptiste parlera d’Elizabeth. Permettez-moi donc de l’aborder avec la figure de Marie. Elizabeth ne se comprend pas sans Marie, comme Jean le Baptiste sans Jésus. Elizabeth est en effet la parente de Marie (Lc 1, 36). La tradition dit qu’elle est une cousine. Luc indique la parenté sans évaluer le degré. Elle est donc la tante de Jésus. 

 

Luc nous dit que la tante de Jésus est de la famille d’Aaron (Lc 1, 5). Elle est alors de la tribu de Lévi. Elle est de bonne famille et croyante. Son mari aussi, d’ailleurs ne sacrifiait-il pas de l’encens lorsque l’Ange Gabriel lui annonçât la naissance de son premier né ? Jusqu’à Jean, Elizabeth n’avait jamais conçu. Elle est déclarée stérile par l’Ange. 

 

Voilà, une femme de bonne famille, croyante, mariée régulièrement qui est stérile. Elle n’a pas choisi la stérilité, elle était devenue stérile ! et Dieu sait qu’elle est stérile. Je voudrais profiter pour avoir une pensée et réfléchir un peu sur ces personnes qui sont sans capacité d’avoir des enfants. En Israël, cet état était une honte et une malédiction ou encore une punition de Dieu. Rappelez-vous Anne, la mère du prophète Samuel (1 Sa 1, 2). Et passé un âge, cette femme devient une personne vulnérable à tout point de vue, surtout si elle devient veuve. Dans la société occidentale, parfois on pense que ce n’est rien. Mais ces personnes souffrent, ces personnes ressentent la mésestime de soi de n’avoir pas réussi avec des questionnements comme pourquoi Dieu me donne-t-il un corps si je ne peux pas avoir d’enfants. Je me permets d’élargir à toutes ces personnes qui vivent la solitude non choisie parce qu’elles n’ont personne sur qui compter ou n’ont pu se marier, ou encore qui éprouvent la solitude après le décès du conjoint. En les associant, je voudrais partager avec vous leur difficulté émotionnelle avec des drames intérieurs et silencieux. Préparer Noël à leurs côtés à partir de la figure d’Elizabeth sera de les visiter, les soutenir par une présence aimante.

 

La tante de Jésus a donc vécu le drame de la stérilité avec le regard accusateur de la société. Je me permets ici aussi dans ce projet d’accompagner ces personnes de garder à l’esprit que nous n’avons pas à les juger surtout quand nous estimons que leur actuelle situation provient peut-être de leur caractère ou de leur comportement. Le drame de la solitude est une conséquence de conjectures personnelles ou sociales. Frères et sœurs dans le Christ, au lieu de juger, manifestons notre amour chrétien. Elizabeth est déjà avancée en âge avant que le Seigneur daigne lui donner un fils, celle-là même que tout le monde avait déclarée stérile. Je souffle au passage que nous pouvons proposer aux couples qui cherchent ardemment un enfant de prier Sainte Elisabeth pour demander des grâces liées à la maternité.

 

Revenant sur le drame de la stérilité, accompagnons par-delà la présence et la prière avec une culture de la confiance et de la persévérance, quoi qu’il arrive. Je n’ai pas dit l’espoir mais la foi en Dieu au point de démontrer que rien n’est impossible à Dieu. La réponse du Seigneur peut-être positive et combler cette foi intrépide. Quant à nous aussi, apprenons comme Sainte Elisabeth, à faire confiance au Seigneur ? à l’attendre en persévérant. La parenté de Jésus n’est pas sans difficulté. Aujourd’hui, nous les regardons comme des personnes bénies et comblées oubliant bien souvent qu’elles sont eu leur chemin de croix et de foi.

 

Après l’aspect de la stérilité chez Elizabeth, je vous propose de méditer le caractère d’Elizabeth dans la naissance de Jean. Quand il s’est agi de donner un nom, on ne sait pas comment elle a su le nom. Mais elle reprend le nom malgré l’opposition de la famille et des proches. C’est un trait de persévérance dans le bien. Accomplir la volonté de Dieu et y demeurer ferme surtout lorsque ce n’est pas à nous-même que cette parole a été adressée. Cette attitude de fermeté est un chemin de perfection à acquérir. Une fois la vérité ou la volonté de Dieu connue, travailler fermement à son accomplissement. Pour nous aider en des actes concrets, nous allons nous remémorer la Parole de Dieu ou les enseignements reçus et demander à l’Esprit Saint la force de mettre en pratique.

 

Je vous propose aussi de revoir un peu le texte de la visitation de Marie à sa cousine. Je commence par affirmer que deux personnes sont à l’origine l’Ave Maria. Le Je vous salue est une combinaison de la salutation de l’Ange Gabriel et de celle d’Elizabeth. C’est sans doute un hommage indirect mais à chaque Ave, les chrétiens reprennent les mots d’Elizabeth relayés par l’Evangile de Luc. Voilà une femme qui a passé sa vie à espérer un enfant et qui en accueillant sa parente ne se concentre pas sur elle-même mais sur la grandeur du mystère dans la vie de Marie. On comprend l’humilité de Jean-Baptiste dont la mère ainsi perçue est une femme forte, persévérante et humble. Elle a su découvrir en sa parente un bienfait plus grand que le sien puisqu’elle lui dit : ‘’tu es bénie et le fruit en toi est béni’’ (Lc 1, 42)

 

‘’Que m’arrive-t-il donc ? La mère de mon Seigneur vient à moi !’’ (Lc 1, 43)

 

La surprise d’Elizabeth est multiple. Elle était déjà surprise et devait se sentir bénie par sa propre grossesse. Elle était surprise là le fait que Marie le sache et la réaction de celle-ci. Elle l’est enfin car la Vierge Marie vient jusqu’à elle malgré la grandeur du dessein de Dieu sur elle. La question est justement comment sait-elle pour confirmer la conception du fils de Dieu en Marie. Cela nous amène à rattacher la visitation à l’annonciation pour comprendre.

 

Comprendre d’abord la visitation est une confirmation pour Marie de l’annonciation de l’Ange. La jeune fille interrogea l’Ange : ‘‘comment cela sera-t-il puisque je ne connais pas d’homme’’. Pour réponse, Gabriel lui répond que l’Esprit Saint viendra et reposera sur elle comme une ombre puis ajoute : ‘‘ta parente vient, elle aussi, de concevoir, dans sa vieillesse et est à son sixième mois.’’ Marie se déplace pour visiter sa cousine et vérifier les propos de l’Ange. Donc sa démarche va confirmer l’annonce de Gabriel et lui fournir une preuve de la conception de la puissance de Dieu à qui rien n’est impossible. Dans un raisonnement a fortiori on peut conclure ainsi : si Dieu a pu faire concevoir une stérile, raison de plus pour toi qui est une jeune fille. 

Comprendre ensuite que la visitation est une confirmation de la messianité de Jésus. Elizabeth est cette personne qui confirme à Marie la bénédiction de la part du Seigneur. Ses propos redisent à Marie qu’elle a vraiment trouvé grâce auprès de Dieu reprenant ainsi la bénédiction des saintes femmes de l’histoire d’Israël (Jdt 13, 10). Marie écoute celle-qui, bénie avant elle et recommandée par l’Ange, lui confirme la bénédiction que représente Jésus, le fruit de ses entrailles. Autrement dit Elizabeth confirme à Marie, la visite de l’Ange, la bénédiction du Seigneur et la noblesse de l’enfant à naître.

 

Comprendre enfin que la visitation est une confirmation de la foi de Marie. Elizabeth dit à Marie : ‘‘ Tu as cru, toi, en l’accomplissement de ce que le Seigneur t’a fait dire : Heureuse es-tu !’’ (Lc 1, 45) en lui confirmant son bonheur, elle confirme également qu’elle a cru. Voilà une tâche qui nous revient en ce temps encourager à garder la paix et la joie du cœur surtout quand l’appel de Dieu nous surprend. Une autre encore, confirmer la grâce de Dieu en ceux qui nous entourent par un soutien à croire sa main agissante. 

 

On pourrait croire que cela recentre autour de Marie mais ce n’est guère le cas. En effet l’appui psychologique et croyant d’Elizabeth permet de conforter Marie dans cet appel du Seigneur qui l’a surprise et qu’elle médite. En nous détournant d’elle-même Elizabeth nous recentre sur le mystère qui se produit en Marie et à la qualité exceptionnelle de celui qui sera le Fils de l’homme. Encourager les autres, voir en eux des qualités ne sera jamais pour nous du narcissisme ou de la flatterie sinon une manière de collaborer à arranger l’image de Dieu en nous et dans nos frères. Et surtout mieux nous rapprocher des conséquences de l’Incarnation de Jésus. Dieu s’est fait homme, c’est exceptionnel ! Dieu s’est fait homme dans une femme, c’est extraordinaire cette sublimation de la vie par Dieu lui-même qui en fait le chemin du salut pour toute sa création.

 

Je finis par l’action de grâce qui ressort à chaque ligne de cette rencontre. Mes frères, mes sœurs, comme Elizabeth, retrouvons nos moments d’émerveillement et rendons grâce à Dieu pour tant de choses dont il nous a comblés. Que ce temps de l’avent redonne un goût de gratitude à nos prières, une saveur eucharistique à nos existences… je l’appelle le secret de cuisine de la tata de Jésus : son nom est Elizabeth