· 

Homélie pour Noël - année C 2024

par l'abbé Gad Aïna

Frères et sœurs,

 

Je m’en vais vous demander, d’une part, de vivre cette fête de Noël un jeu de paroles. Je m’inspire pour mon propos d’abord de la deuxième Lecture. Sous maintes formes et à plusieurs reprises, Dieu nous a parlés et en ces jours qui sont les derniers, il nous a parlés par son Fils. L’auteur de l’épître aux Hébreux nous affirme que Dieu parle, souvent et sous plusieurs formes. Il nous suffit pour essayer de le comprendre de nous référer à la Sainte Ecriture. Le Psaume 18 nous dit que le Ciel proclame la gloire de Dieu et le firmament raconte l’ouvrage de ses mains. Si la nature parle de Dieu qui l’a créé, en fait c’est Dieu qui s’exprime dans sa création, sa gloire se lit à travers ses œuvres. 

 

Ainsi perçue, la Parole de Dieu ne désigne pas seulement ce que Dieu dit mais aussi ce qu’il fait. Ce regard éclaire tout ce que nous connaissons du geste de Dieu ou de ses hauts faits. Tout ce que Dieu accomplit est donc bruissant de paroles. Son alliance, son assistance, ses représentants qui parlent et agissent en son nom, ses délégués sont par leurs actes, leurs comportements, leurs actions des paroles de Dieu. L’extension de cette parole fait prendre à Dieu le risque de la créature pour s’exprimer à la créature qui ne peut le saisir ni le comprendre par elle-même.

 

L’Ecriture aussi peut être regardée dans ce sens. Ce n’est pas la Lettre qui est importante mais bien la Parole qui est inspirée au prophète ou à l’écrivain sacré, cette parole qui prend forme, cette parole qui est écrite, cette parole qui est lue, cette parole qui est proclamée et bien sûr en ce jour, cette même Parole qui prend chair. La naissance de Jésus se comprend donc comme une Parole. Elle se comprend aussi comme la Parole de Dieu qui prend chair.

 

Permettez-moi d’utiliser cette image pour avancer un peu plus profondément. Les paroles que l’on prononce habituellement comment prennent-elles sens ? Qu’est-ce qui leur donne sens ? C’est un mot ou plus précisément une parole qui donne sens à tous les mots et nous l’appelons le Verbe. Et bien mes frères et sœurs, le Verbe de Dieu est non seulement la Parole de Dieu mais il est aussi celui qui donne sens à la Parole de Dieu que nous écoutons ou lisons. Le Verbe est également celui par qui toutes les paroles de Dieu prennent sens. Dieu n’a pas pu créer le monde sans le Verbe, il le maintien par la puissance du Verbe. Pour sauver l’homme Dieu en voie sa Parole, le Verbe, prendre chair de la Vierge Marie. Ce qu’il est nous parle, ce qu’il dit nous parle, ce qu’il fait nous parle et aujourd’hui sa naissance nous parle. Voilà comment la Noël se laisse vivre comme un concentré de Paroles venant de Dieu. Je laisse de côté la sublimité de cette parole de Dieu en son Fils pour une autre fois.

 

Je viens à présent vous projeter la fête de Noël comme un jeu de silence. Cette méditation vient d’une analogie sur le langage. De fait le Silence qui se laisse entrevoir comme Dieu le Père de la Parole. Maurice Merleau-Ponty affirme que le silence est bruissant de paroles. En effet, la Parole vient du silence qui est la figure de la pensée. On peut supposer une antériorité de la pensée et du langage injustifiable en Dieu car le Verbe est éternel et Dieu était le Verbe. Dans l’analyse du langage, elle est plus remarquable, la consubstantialité du Silence Pensée et de la Parole-Verbe. Quel sens la pensée ou le silence possède s’il n’y a pas de mots pour le décrire ? Qu’il soit éternel ou ineffable, le silence se dit dans la Parole et la Parole se lie au silence sans l’épuiser cependant.

 

Ce verbe, cette Parole sort du silence. De celui-ci, on ouvre la bouche et on élève la voie pour parler. La bouche en latin c’est os, oris et origine vient de la même famille. De plus origine ne signifie pas seulement la provenance, la source mais aussi la cause. Pour utiliser une image ancienne, Dieu est donc le silence et la source de tout, la cause de la Parole. Le Verbe est dans le silence. Ce Verbe est son Fils. En venant de Dieu, la Parole qui est dans l’Origine donne sens et crée tout ce qui existe. Donc le Verbe vient du Silence qu’est Dieu pour exprimer qui Dieu est et faire venir à l’existence tout ce que Dieu veut. 

 

Sans le silence, la Parole n’a pas de rythme. Le silence donne forme à la parole. Le silence établit la longueur, la rapidité, la sobriété, l’allure lapidaire ou prolixe. Tout dans la Parole est rythmé par le Silence. On peut même affirmer que c’est le Silence qui qui donne sens à la Parole. Vous devenez inaudible et imperceptible lorsque votre discours est sans pause, sans silence. Ainsi lorsque le Verbe parle du Silence qu’est Dieu, c’est le silence qui donne sens à la Parole. Et lui à son tour donne sens à nos paroles, à nos existences

 

Par-delà la joie de ce jour, le flot de paroles, pensons dans le Silence de Dieu ces moments de Noël. Ils font transparaître le Verbe afin de donner sens autour de nous aux absences de mots. Car les flots de paroles s’oublient, mais les vides possèdent souvent une saveur d’éternité, où Dieu parle dans des silences bruissant de sa présence.