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Homélie pour le 6è dimanche ordinaire C - 2025

par l'abbé Gad Aïna

Frères et sœurs dans le Christ,

 

Dans l’Evangile, après avoir mis en place les disciples venus nombreux, les Douze, et les foules de toute la Palestine, c’est-à-dire de Jérusalem, de Tyr et de Sidon, Luc présente Jésus qui opère comme Moïse. Lorsque Moïse descend de la montagne, il rassemble le peuple nouvellement constitué autour de lui et lui donne la Loi. Vous savez en effet, qu’Israël n’était pas un peuple avant l’alliance et le don de la Loi au Sinaï. Luc présente donc Jésus qui rassemble le nouveau peuple de toutes les régions de la Palestine, il réunit païens et juifs et leur donne le message venu de Dieu.

 

Quand vous avez réuni toutes ces personnes d’horizons divers et de différents niveaux de vie, une préoccupation peut surgir : quelles sont les règles entre les personnes que vous rassemblez ? Ensuite ces règles sont-elles en contradiction avec l’objectif pour lequel vous les réunissez ?

 

La règle principale lorsque l’on parle de pauvreté comme de richesse ici est de pouvoir compter sur Dieu et non autre chose. Les valeurs à mettre en pratique doivent venir de lui. Pour ce faire Jésus ne donne pas des béatitudes et des malheurs, il indique la règle de la béatitude et la voie de la malédiction. Ainsi les règles mettront en relief des comportements qui possèdent en eux une capacité de nuisance : les besoins, la faim, les pleurs avec le mépris et l’exclusion d’une part puis d’autre part l’avoir, la satisfaction, le rire, l’environnement flatteur. Ces caractéristiques ne sont pas liées à des types d’homme, étant donné qu’un homme ne peut passer toute sa vie à rire ou à pleurer ou à manger. On peut cependant cristalliser plus les trois premières béatitudes dans des moments de la vie des pauvres. Ainsi en est-il des malheurs que Jésus cristallise chez les riches.

 

Quand nous avons cerné cela, frères et sœurs, nous pouvons comprendre le renversement qu’effectue le Seigneur. D’abord la valeur des membres du peuple que Dieu se rassemble ne dépend ni de leur argent, ni de leur satiété, ni de leurs idées de joie ou de bonheur, ni des louanges qu’on leur fait ici et là ! La valeur dépend encore moins de l’absence de ces réalités dont l’inconsistance et l’inanité est mise en évidence par le salut que Dieu donne. Je me permets de revenir sur les versets 18 et 19 qui ont été sautés dans le passage que nous avons écouté. Jésus délivrait les tourmentés et guérissait toute maladie : une force sortait de lui. C’est alors que se retournant il donne ce discours. Il nous faut croire sans doute qu’il veut guérir ce qui tourment les hommes et les femmes qu’il rassemble mais surtout les maladies dans l’Eglise, nouveau peuple qu’il constitue !

 

Le premier renversement est donc de compter sur Dieu seul et non sur ce que l’on juge nécessaire pour vivre une vie pleinement humaine. Comme le rappelle la première lecture (Jr 17, 5-8) le bonheur vient du choix que fait le croyant de s’appuyer sur Dieu. Si ce passage de Jérémie nous indique que la confiance en un homme conduit à l’aridité du désert et à la désolation de la déception, a fortiori dirions-nous les choses en elles-mêmes ! Si l’on ne peut se fier à un homme, peut-on avoir confiance dans le fait de posséder un bien, d’être rassasié, de rire ou encore peut-on compter sur l’adulation ?

 

Le deuxième renversement nos grilles humaines ne fonctionnent pas. La richesse n’empêche pas les retours de flamme, l’angoisse, l’incertitude, l’échec, les tragédies, les drames. La beauté proclamée dans une publicité ou l’éclat dégagé par un succès ne peut satisfaire toutes les parties d’une vie humaine bien plus vaste. La réussite si vaste et si importante soit-elle est non seulement comprise sur cette petite planète mais aussi n’est rien à côté de l’éternité du monde qui nous entoure et moins encore de la grandeur de notre Dieu d’amour. Dieu bénit les pauvres et non la pauvreté. Il n’a pas dit devenez pauvres pour avoir le Royaume mais ayez confiance en moi et non en ce que vous possédez et j’ajoute en ce que vous ne possédez rien.

 

 

Troisième renversement, on peut remarquer dans cette projection sur le futur l’avenir en Dieu. Luc exploite d’abord habilement les adverbes maintenant et après, puis l’usage du présent et du futur. On peut se rendre compte que les qualités des uns au présent deviendront celles des autres dans le futur. Ensuite, un autre aspect de l’exposé de Jésus montre que ceux qui n’ont rien et se remettent à Dieu ont déjà le Royaume de Dieu : c’est un présent actuel. Leur futur se poursuivra dans ce royaume. Ceux qui sont dans le manque auront en effet tout, Dieu et ce qu’ils ne possèdent pas maintenant. Puisque celui qui est en Dieu a tout ce que Dieu possède. Au Fils aîné dans la parabole de l’enfant prodigue, le Père ne rappelle-t-il pas : « toi mon enfant, tu es toujours avec moi et tout ce qui est à moi est à toi ». (Lc 15, 31). Finalement, après la dépossession, un autre aspect tout aussi remarquable dans l’évangile est que ceux qui ont tout ou pense tout avoir n’ont aucun avenir. Ils ont la consolation présente, donc pas future, ce qu’ils possèdent maintenant ils ne l’auront plus, et enfin alors que les pauvres auront la récompense céleste et éternelle, eux-là, ils n’auront rien. Toi qui veux posséder et avoir n’as-tu donc pas envie d’avoir la vie éternelle, la récompense céleste ?

 

Ce ne sont pas les faiblesses, les manques que nous devons regarder, ni dans notre vie ni celle des autres pour les juger ; regardons dieu qui donne la vie à ses cotes ; ayons foi en lui unissons-nous autour de lui, il n’est pas une richesse mais la source de toute vie et de tout bien.