par l'abbé Gad Aïna
Frères et sœurs dans le Christ,
Avec la page d’évangile de ce dimanche, nous sommes au cœur du sermon dans la plaine. Dimanche dernier, nous disions que Jésus donne des règles à ceux qui constituent son Eglise autour de lui. S’adressant à la foule issue de tous les pays, il relevait que l’avoir, la satiété, les plaisirs et les louanges ne peuvent être la norme dans la communauté mais la confiance en Dieu. Aujourd’hui Luc va plus loin en exposant ce qui fait la nouveauté et la spécificité du message de Jésus : l’amour des ennemis.
Remarquons au prime abord que la demande de Jésus : « aimez vos ennemis, faites du bien » a bien un rapport avec ce qui précède. En effet dans les béatitudes, les pauvres ont faim, pleurent et sont haïs à cause du nom de Jésus. Jésus s’adresse alors à ses disciples pour que ceux-ci aient des attitudes qui les différencient des autres. Les comportements de noblesse, que Jésus propose, lient au Père céleste qui est miséricordieux et qui est la norme. Ceux qui se disent croyants ne peuvent se comporter comme les gens du monde leurs adversaires. Pour être vraiment des fils de Dieu, pour entrer en communion avec lui, on comprend donc qu’il ne suffit pas seulement de ne pas être mauvais. Il faut d’abord croître dans le bien et surtout être au-dessus même de tout soupçon de malice.
On peut remarquer aussi que les demandes de Jésus sont en parties formulées en deux groupes. Au début, il formule à la deuxième personne, puis après, il les adresse à la deuxième personne du pluriel vous. La croissance que Dieu souhaite nécessite un acte personnel et pareillement un engagement communautaire. Pour ce qui nous concerne personnellement Jésus demande de céder tout simplement : ne pas répliquer par la violence mais la douceur, donner à qui vous force et même au voleur. Nous saisissons donc que notre volonté est responsable de la bonté. L’habitude du bien est un choix sur lequel il faut s’exercer. On pourrait s’interroger si Jésus ne demande pas de se laisser aller ou piétiner. La règle d’or nous impose que non. Elle est formulée positivement : « Traitez les autres comme vous voulez qu’ils vous traitent ». Il ne s’agit donc pas de lutter contre des personnes qui seraient riches ou méchantes, il nous revient comme devoir chrétien de bâtir un monde juste et pacifique comme nous le souhaitons pour nous-mêmes. Nous n’existons pas en réagissant ou en répliquant le mal. Nous vivons en coupant le cycle de violence et en devenant meilleurs.
Permettez-moi de laisser les exigences au pluriel pour une autre fois. Je voudrais revenir sur l’exigence fondamentale du texte. Les propos « aimez vos ennemis, faites du bien » encadre une partie des demandes de Jésus. Et si on les examinait rapidement ? A ses auditeurs comme à nous aujourd’hui, Jésus réclame d’aimer ceux qui nous haïssent. De quel amour s’agit-il alors ?
Nous pouvons vite nous rendre compte qu’il ne s’agit pas de l’affection entre des membres d’une famille. Cela est impossible car la réciprocité n’existe pas dans ce que Jésus exige. Serait-ce alors l’amour que l’on exprimerait pour un ami ? Là aussi, il n’existe aucune égalité qui le favoriserait. Pensons alors à l’amour passionnel, il se mue simplement en du sadisme, en effet un fou aimant se laissera ainsi violenter et exploiter. De quel amour parle Jésus alors ?
Il commence par un sentiment de justice, un regard serein sur l’autre si mauvais et pervers soit-il ! Il consiste en l’estime que l’on développe pour lui et dont la base n’est donc pas ce qu’il aura accompli de mauvais ou de méchant. La base serait l’amour que Dieu a et manifeste pour tous les hommes. Cette estime est essentielle pour poser le pas suivant qui se nourrit effectivement de la miséricorde. Le pas suivant est la bienveillance. Jésus ne demande pas de la commisération, il demande à ses disciples d’anticiper le mal et le regard sur celui qui nous fait mal pour avoir de la bienveillance vis-à-vis de lui.
Voilà ce que Jésus demande à ses disciples. J’imagine que beaucoup répondront comme ceux qui le suivaient à Capharnaüm et que nous rapporte : « Ce langage est dur à accepter, qui voudra l’écouter ?... Jésus leur répondit : Tout cela vous scandalise ? … C’est l’Esprit qui fait vivre, la chair ne sert de rien ; les paroles que je vous ai dites sont esprit, et elles sont vie. Et il ajouta : Voici la raison pour laquelle je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui a pas été donné par le Père. » (Jn 6, 59…65).
Prions Dieu de nous donner d’aller vers Jésus. Prions Jésus de nous accorder la Force de son Esprit. Donnons-nous à nous-mêmes et à notre communauté de vouloir et de réaliser ce monde de bonheur auquel Jésus nous propose d’œuvrer pour être ses disciples. Amen