par l'abbé Gad Aïna
Frères et sœurs dans le Christ,
Aujourd’hui premier dimanche de carême, je voudrais vous parler des masques. Le masque est un objet dont on couvre le visage humain pour transformer son aspect naturel. Il n’est pas seulement le produit d’une fabrication, il est aussi le moyen d’expression d’un état trompeur ou ajouté. Un masque animé s’appelle un personnage que l’on peut jouer. Je voudrais avec vous enlever donc des masques et voir la réalité de ceux qui jouent des personnages ; je voudrais que nous enlevions les masques des textes pour qu’enfin nous enlevions pour ce carême nos propres masques.
Dans la première lecture, nous avons le credo d’Israël. Par ces mots du Deutéronome, il traduit sa foi en Dieu. Ainsi présenté on peut dire que c’est la forme extérieure, une présentation savante, un masque. La réalité c’est que Dieu choisit Abraham, un païen au milieu de païens araméens. Dieu fait cheminer son fils Jacob jusqu’en Egypte ou il devient une famille nombreuse. La réalité est que cette famille expérimente l’abaissement, l’esclavage. Et Dieu l’a libéré de ses chaînes par Moïse. Il a fait alliance avec lui et ce peuple est devenu un peuple élu. Dieu l’a accompagné dans le désert, il a pris soin de lui, il lui a donné une terre, dans laquelle avec Josué il l’a fait entrer. Il a été à ses côtés. Comme nous aussi dans notre credo si facilement proclamé, nous professons les actions de Dieu qui ont coûté des siècles, sa libération par son Fils qui s’est fait homme, a souffert, est mort pour nous d’une mort ignominieuse et est ressuscité. Otons le masque de la facilité. Percevons la réalité de l’histoire que Dieu mène avec l’homme. Un chemin de patience et d’amour.
Un autre masque aussi important que le texte suggère et qui oblige au rappel de la profession de foi, ce masque est l’ensemble des défections du peuple. La mémoire de ce que Dieu a accompli est inséparable de l’infidélité de l’homme, de ses oublis, de son indifférence vis-à-vis du Seigneur son Dieu. Professer la foi pour Israël n’est pas le simple rappel de la geste épique de YHWH, il est aussi le rappel de la fragilité d’Israël, de ses inconstances, des nombreuses tentations auxquelles il a succombé. Bien sûr si le Seigneur est fort et tout puissant, pu et parfait et que sans lui nous n’arriverions pas être ce que nous sommes, c’est en effet que nous sommes faibles, imparfaits, manipulables face au mal qui nous déstabilise et à son instigateur, le malin, le père du mensonge, le vrai spécialiste des masques.
C’est lui qui aux origines, a miroité la gloire à Adam et Eve, la puissance, le savoir ou encore la possibilité de prendre la place de Dieu. Il déforme la réalité, falsifie le mal en bien et inversement, il couvre d’un masque ses projets, il couvre le bien de laideur, et propose comme un fruit mûr, l’orgueil, l’injustice, la désobéissance à Dieu et l’aversion de sa personne. Face à lui, nous sommes des personnages qu’il masque au gré de ses tours et forcément de nos défauts. C’est lui qui revêt d’une caricature le projet de Dieu et le désir de l’homme, pour finalement revêtir d’un masque de laideur la ressemblance de Dieu que nous sommes : nous somme à son image. Ces éléments sont nécessaires pour bien commencer ce temps de carême. Enlever ses masques, reconnaître ses faiblesses pour mieux entrevoir la puissance de Dieu et y recourir pour la confesser autrement bien. Enlever le masque c’est donc quitter ce dont le malin nous a couverts pour ressembler à ce que Dieu a fait et voulu de nous.
Cette profession de foi ne peut donc annuler la réalité historique de la foi. Cette profession de foi ne peut nier ni notre faiblesse, ni l’action salvifique du Tout-Puissant. Pour être sauvé, ainsi le dit Saint Paul, il faut proclamer et croire que Jésus est Seigneur. Il faut croire que Dieu l’a ressuscité des morts alors tu seras sauvé. C’est une action de Dieu qui sauve. C’est une foi qui nous rallie à cette action. C’est enfin une action de demeurer dans cette foi qui nous donne de participer au salut que Dieu offre. En Jésus la voie du salut est ouverte parce que Jésus nous garantit d’enlever le masque, et d’œuvrer à être à son image et à sa ressemblance. Dans cette il n’y a pas de différence de langues, de peuples ou de même de religion, tous ceux qui l’invoquent seront sauvés. Affirmer que l’on est chrétien ce n’est pas seulement être baptisé ou professer la foi à la bouche : c’est surtout entrer avec Dieu dans cette action que nous professons. Enlevons le masque de la simple parole lointaine de la foi et participons à la geste, aux exploits que Dieu accomplit pour nous. Permettez-moi de venir à l’évangile et de l’aborder sous le projet d’enlever le mascara ou le masque.
Le premier masque, il faut l’enlever au démon qui sous une apparence inodore, incolore, fadasse ou insipide nous laisse croire qu’il n’existe pas ou qu’il n’agit plus. Les maux les plus dramatiques de la santé publiques sont des maladies silencieuses et mortifères. L’ennemi qui porte le masque d’un ami est souvent plus destructeur et létal. Le deuxième masque que Jésus nous permet d’enlever c’est de croire que nous ne serons pas sous l’emprise du mal, de la souffrance ou même de l’esprit maléfique. Si lui, comme dit le texte de Luc, qui est constamment sous la conduite de l’Esprit Saint a été tenté, c’est se leurrer ou se mettre le doigt dans l’œil que de s’illusionner que nous ne serons pas tentés, c’est aussi se flouer soi-même que de penser que l’effort de carême n’est qu’un acte de bonté ou de générosité et non une lutte spirituelle. Un autre masque que Luc relève : Jésus est tenté durant les quarante jours au désert.
Alors les trois tentations qu’il relate cristallisent ou matérialisent des formes ou des types qui ne sont pas exclusifs. Ce ne sont donc pas les seules tentations de sa vie. Luc ajoute que le démon le laisse pour revenir quand l’heure sera venue, au moment de la passion. Par ailleurs toute sa vie Jésus a chassé les démons. Luc en montrant la passion désigne le combat final mais entend que Jésus a lutté tout le temps contre le mal et le malin. Dans les tentations sous la perspective des masques, on retrouve d’abord le souvenir des rébellions d’Israël au désert à cause du pain, une tentation qui s’inverse chez Jésus qui nourrit les foules. Pour nous, c’est voir comment au nom de la satisfaction nos appétits légitimes, nous pouvons nous rebeller contre Dieu ou lui tourner le dos. Ensuite dans la deuxième tentation, le masque du pouvoir. Le démon ne possède pas le monde, il est à Dieu qui l’a créé. Mais il préconise que c’est lui qui l’administre et que pour y réussir il faut suivre ses règles à lui et non adorer Dieu. Comment peut-on donner quelque chose que l’on n’a pas à quelqu’un qui ne peut détenir que temporairement ce que Dieu possède ? Voilà comment on fait tomber le masque du diable et du pouvoir narcissique. La troisième tentation a lien avec fanfaronner. Pour frimer Jésus aurait pu jouer de sa nature de fils de Dieu ou encore descendre de la croix. On comprend que le pain qui nous intéresse, prendre le pouvoir comme s’il était le moyen de réordonner le monde, obtenir de Dieu des miracles est parfois une masque qui nous empêche l’accomplissement du projet de Dieu, quand lui n’attend de nous que l’obéissance et le sacrifice.