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Homélie pour le 2ème dimanche de Carême année C - 2025

par l'abbé Gad Aïna

Frères et sœurs dans le Christ,

 

Une vision de l’héritage marquée par le sacrifice pour appeler à la persévérance Je vous invite à retrouver cette trame dans les textes de ce 2e dimanche de carême.

 

Dans la première lecture, nous lisons souvent simplement l’Alliance que Dieu fait avec Abraham. Dans cette vision, Dieu fait sortir Abraham. Ensuite il lui montre un signe de son héritage. L’héritage comporte deux promesses, la première, la descendance plus nombreuse que les étoiles ou comme le lit la Lettre aux Hébreux, les grains de sable au bord de la mer (Hé 11, 12). Le contexte de cette vision est la plainte d’Abraham de ne pas avoir de descendance et sa crainte que son serviteur ne devienne propriétaire de tous ses biens : donc une situation de gêne et de souffrance. Abraham est déjà dans la vision, Dieu le fait sortir pour percevoir cet héritage qui sera le sien. Dans la vision donc se révèle le projet de Dieu exprimé par la promesse. Le Père des croyants choisi par Dieu pour être son élu reçoit une bénédiction qu’il ne possède pas. Et bien qu’il crût en Yahvé et que celui-ci le reconnut comme juste, il demanda quand même à son Seigneur : « comment saurai-je que je posséderai cela ? ». Dieu lui demande d’offrir un sacrifice. Il présente son offrande, l’obscurité tombe, il ne voit ni ne comprend rien, il est pris par la torpeur du sommeil et il a peur. C’est alors que Dieu lui donne la preuve de sa promesse. Il lui révèle l’histoire de souffrance et de libération de sa descendance et présente à Abraham le pays qu’il donnera comme une preuve de la bénédiction de la descendance.

 

Vous avez donc une vision dans laquelle Dieu donne une promesse dans une situation difficile. Il fait voir un héritage que son élu ne possède pas encore. A cet élu, il demande un sacrifice. L’élu a peur, il expérimente la torpeur et l’appesantissement des ténèbres. Dieu renforce sa promesse par le don d’une histoire dans laquelle la souffrance prend place mais dans laquelle lui aussi se rend présent et libère pour donner une terre à la descendance d’un Araméen errant. Vous possédez les éléments de cette intelligence de l’évangile.

 

Jésus marche vers Jérusalem où d’après sa propre annonce, il sera sacrifié. A ses disciples Pierre Jacques et Jean qu’il sort du groupe des douze pour les emmener sur une montagne, il donne une vision alors qu’ils sont en prière. Il leur fait voir l’héritage de sa gloire de fils de Dieu. Les disciples font l’expérience de la torpeur : ils ont sommeil. Ils expérimentent l’hébétude : ils ne savent pas ce qu’ils disaient. La peur s’empare d’eux lorsque l’ombre de la puissance de Dieu passe sur eux. Cette ombre est signe de la présence et de la puissance de Dieu. Comme pour sceller l’alliance avec Abraham, l’ombre de Dieu passe au milieu d’eux, leur présente Jésus comme son élu et projette ainsi son sacrifice en son sang sur la croix qui scellera la Nouvelle Alliance. Cet élu qui ira accomplir la volonté de son Père en souffrant et en mourant à Jérusalem. Cet élu qui discute de cette montée dans la Jérusalem céleste avec Moïse et Elie qui avaient marqué de leur vie une mission bénie par le Seigneur son Père. En rapport au texte de la première lecture, Jérusalem évoque donc à la fois le sacrifice en lien à la mort de Jésus et symbolise la terre promise du peuple que Dieu veut libérer et se donner.

 

La transfiguration est donc la présentation de l’héritage de la gloire de Jésus. A partir cette immersion, elle ressort comme le lieu de la promesse de la glorification de Jésus après sa passion et sa mort. La transfiguration centre la passion de Jésus dans son élévation dans la gloire de Dieu. La transfiguration dévoile Jérusalem comme le lieu du sacrifice de Jésus, elle présente aussi symboliquement Jérusalem, comme la patrie céleste de ceux qui seront sauvés par l’Alliance de Jésus en sa mort sur la croix. Il ne projette pas seulement le lieu de son alliance, ou l’alliance elle-même, Dieu nous montre dans la Transfiguration Jésus comme son élu celui qu’il a choisi. Dans la Transfiguration, nous comprenons que de cet élu naîtra la nombreuse descendance des sauvés qui habitera dans la patrie céleste, leur terre promise.

 

Pourquoi alors une vision ?

 

Nous avons présenté la situation désespérante d’Abraham. Jésus aussi venait d’annoncer sa passion à ses disciples. Une démarche où l’on ressent l’appesantissement, un poids qui plombe l’élan. L’expérience de la souffrance qui plombe notre allant vers Pâques. Vous le savez frères et soeurs, la situation difficile interroge la foi et questionne l’espérance. Une situation difficile interroge l’accomplissement de la promesse du salut de Dieu. Les disciples s’interrogeaient en eux-mêmes si Jésus allait ainsi révéler sa gloire. Ils se demandaient si lui qui affirmait son rejet, sa souffrance et sa mort était vraiment le messie, l’élu de Dieu. Leur foi en lui vacillait, alors il leur fournit une preuve de ce qu’il sera après sa passion et sa mort.

 

La vision de la transfiguration est donc une preuve de la gloire de Jésus, un appel à regarder vers le futur, vers le ciel. Elle est la projection de la récompense. Nous comprenons alors que la transfiguration est un appel à l’espérance. Croire en Dieu oui, mais l’attendre malgré les difficultés et les efforts de ce temps de carême qui peut nous peser. Pour ses disciples de tous les temps, Jésus donne une invitation à se projeter dans la joie de Pâques, dans la gloire des sauvés, la Jérusalem d’en haut, notre patrie éternelle. La vision constitue plus qu’une preuve, elle est un encouragement pour nous qui faisons effort. Dans cette logique le texte de la deuxième Lecture apporte de l’eau à notre moulin. Nous avons un bon exemple à imiter. Nous n’allons pas devenir ennemis de la croix du Christ, nous n’allons pas seulement à nous attacher à nos satisfactions et à nos plaisirs terrestres, nous sommes citoyens des Cieux. Par-delà le carême, notre projet est de rejoindre notre patrie car la lutte de tous les jours qui se cristallise en ces efforts de carême est notre visa pour accéder à cette citoyenneté. Jésus, nous transformera à l’image de son corps glorieux avec la puissance active qui le rend capable de tout mettre sous son pouvoir.

 

Nous comprenons donc que Dieu nous propulse devant notre Pâques, la gloire éternelle. Nous avons la vision de notre vie à venir. Nous comprenons notre héritage, la vie éternelle. Nous sentons la valeur du sacrifice du Christ et celui auquel nous devons consentir pour imiter son bon exemple et accéder à cette vie. Nous sommes peut-être encore dans l’hébétude ou la torpeur ou encore la peur. Maintenant écoutons ces mots de Saint Paul pour nous réveiller et nous encourager : « tenez bon dans le Seigneur ».

Amen