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Homélie pour le 5ème dimanche de Carême année C - 2025

par l'abbé Gad Aïna

Frères et sœurs dans le Christ,

 

Dieu ne juge pas en condamnant mais en sauvant.

 

La première lecture nous présente une prophétie de la sortie de Babylone. Le Seigneur promet à son peuple par le prophète de le sortir de la captivité à Babylone comme il l’avait sorti d’Egypte. Le prophète indique les éléments à partir desquels il faut entrevoir la geste future de Dieu. Le sentier dans les eaux, la destruction de l'armée de Pharaon (Exode 14.1-31) présagent de la similitude de l’œuvre que l'Eternel accomplira en faveur de son peuple. Le prophète rappelle le salut qu’il a accordé à son peuple en établissant un jugement en sa faveur. Lui qui n’était qu’esclave, Dieu l’a libéré. Lui qui n’avait pas d’identité, Dieu a fait de lui son peuple. Lui qui était condamné à subir des outrages, Dieu le rétablit dans sa dignité.

 

L’oubli auquel invite Dieu ne consiste pas à oublier les anciens bienfaits de Dieu. Il ne s’agit pas non plus de s’enfermer dans la situation d’exil comme une punition irrévocable. En effet dans la Parole de Dieu, une relecture de l’histoire d’Israël peut nous convaincre, et ce n’est pas sans raison, que la chute de Jérusalem, la destruction du temple et la déportation de la terre promise sont la conséquence de son infidélité. Israël, considérée comme l’épouse a été infidèle à son alliance avec le Seigneur. Alors Dieu l’a puni en le laissant à ses amants qui ont abusée d’elle. Mais le moment est venu de la sauver de ses ravisseurs. Le Seigneur l’invite à porter toute son attention sur l'œuvre nouvelle et plus grande qu'il veut accomplir. Le texte nous propose un tableau poétique du rétablissement d’Israël ; l’élue, la préférée. A ce rétablissement, toutes les créatures sont associées. Et comme à la sortie d’Egypte, le peuple chantera le cantique de libération.

 

Quand Dieu juge, il ne condamne pas, il sauve. Dieu sauve son peuple de ses errements. Il le sauve de l’esclavage qui l’avilit. Dieu rend la dignité à son peuple qui s’est fourvoyé, qui s’est prostitué. Le peuple a été adultère dans des alliances politiques sans son Seigneur. Le peuple s’est acoquiné avec d’autres divinités. Le peuple a été infidèle à la loi de l’alliance en adoptant un mode de vie éloigné des commandements. Dans sa miséricorde, le Seigneur ne détruit pas son épouse, il la rétablit, il la reconquiert et espère son changement. C’est donc un message d’espérance car un soulagement pour le peuple. C’est donc un appel à l’espérance que Dieu lance. Il nous appelle à vivre sa miséricorde. Quand Dieu juge, il ne condamne pas.

 

Avec ce prisme de lecture de voudrais donc vous inviter à voir dans le passage de la femme adultère que Dieu ne condamne pas quand il juge, il relève, restaure et sauve. Avant de nous laisser aller à une interprétation symbolique de la femme comme le peuple de Dieu en faute, je voudrais signifier que la femme de l’évangile est réelle, de même ses accusateurs. Jésus vient du mont des oliviers où lui-même sera arrêté puis condamné après pour avoir été pris en flagrant délit de vouloir détruire le temple. Comme le suggère l’apôtre Jean avec certains détails, l’épisode nous introduit de fait dans la passion de Jésus.

 

Pour revenir à notre idée, quand Dieu juge, il sauve et ne condamne pas, je commence par rappeler le droit qu’avaient les témoins du péché d’adultère. Pour avoir surpris des personnes commettant l’adultère, les témoins n’avaient pas seulement le droit, ils devaient en être les justiciers en lapidant la femme. La malice dans le complot ourdi ici est que l’on veuille utiliser la chute de cette femme pour faire chuter Jésus et le condamner à son tour. C’est d’autant plus astucieux que l’on attendait sa réponse quelle qu’elle soit pour l’accuser. Nous avons en fait deux personnes condamnées sans avoir été écoutées, sans avoir été jugées. Frères et sœurs que de clichés n’avons-nous pas ? Bien souvent, nous ne recherchons pas la vérité, nous ne voulons pas regarder des femmes et des hommes fussent-ils proches, nous ne percevons qu’à la loupe le péché et les fautes. Nous voyons bien les défauts pour les exposer et avilir encore les pécheurs. Quand nous jugeons, nous pensons uniquement que la justice consiste à condamner, à emprisonner ou à tuer. La justice humaine ou celle rétributive est devenu un mécanisme ou une administration pour examiner la faute prescrite et rendre coups pour coups ou faire payer à prix fort.

 

Dans cette ambiance qui est la nôtre et en lisant ce passage, nous nous rendons compte que l’homme n’a guère changé, dans cette ambiance la Parole de Dieu nus invite à inventer un jugement qui ne condamne pas mais sauve le pécheur. Jésus condamné d’avance, interpelé pour être le supposé juge, donne une espérance nouvelle à cette femme piégée par son péché et dont la vie était déjà scellée par son arrestation. Jésus plonge dans un silence pour la rejoindre là où elle est toute esseulée. Après l’avoir rejoint il va tracer une route impossible dans cette mer bruyante de méchanceté et dans ses eaux puissantes et mortifères. Le jugement que Jésus établit possède un pouvoir absolu à la fois sur la condamnée et sur les juges accusateurs. Il recourt à un principe de la Loi de Moïse qu’ils ne peuvent éluder. En effet comme dira Saint Paul la Loi est un pédagogue pour nous conduire au Christ (Ga 3, 24). Le principe est qu’elle indique le péché (Rm 7,7), elle ne transforme pas. Jésus renvoie donc son auditoire, après un silence pesant, à s’appliquer la Loi et identifier son péché. Que celui qui n’a pas péché lui jette la première pierre. Le Fils de Dieu a prononcé son jugement. Les accusateurs se défilent. Ils identifient eux-mêmes leurs péchés et qu’ils sont pécheurs. Jésus ne les condamne pas. Il les sauve d’un jugement dans lequel trop préoccupés de prendre la place de Dieu, ils ont oublié leurs faiblesses et leurs fragilités. Nous ne nous imaginons pas souvent, en effet, devant le tribunal de Dieu. Dieu ne les condamne pas ceux sont eux-mêmes qui s’éloignent.

 

La femme adultère, qui n’était rien va devenir une personne. Personne ne lui avait adressée la parole, le Verbe de Dieu lui parle. Personne ne l’avait écoutée, le Fils de Dieu l’entend et lui répond. Elle n’avait pas d’issue et était à l’article de la mort, elle a désormais la vie sauve. On l’avait embrigadée dans cette image de pécheur, Dieu lui offre une porte de sortie à la fois de l’avilissement populaire et de l’esclavage du péché. « Va et désormais ne pèche plus ! ». Elle n’avait plus de dignité, celle que le péché lui a ravie, celle que les accusateurs on confisquée, celle-là que Dieu lui rétrocède en lui faisant confiance : « je ne te condamne pas ! ». En lui faisant confiance Dieu lui trace un chemin d’espérance, elle peut se relever, croire en elle-même, avancer, devenir un signe vivant de la Miséricorde. 

 

Je disais que c’était déjà une réalité personnelle. C’est aussi un signe de l’Eglise et un signe pour notre Eglise. Dieu ne désespère de personne pas même des pécheurs les plus décriés. Dieu ne juge pas en condamnant mais en sauvant. Puissions-nous l’imiter un tant soit peu. Amen !