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Homélie pour le 5ème dimanche de Pâques année C - 2025

par l'abbé Gad Aïna

Frères et sœurs dans le Christ,

 

Nous savons tous que le Seigneur, durant sa mission terrestre, a choisi des disciples pour le seconder. De ces disciples, il a également choisi des apôtres, les Douze, une assemblée qui dirige les disciples. De nos jours, en pensant aux Apôtres ou à leurs successeurs, nous pensons d’abord à leur responsabilité ou à leur charge. A partir des lectures de ce jour, je voudrais vous proposer de réfléchir autrement sur leur rôle dans l’Église à partir de l’Écriture.

 

Derbé constitue la fin de la mission de Paul et Barnabé. L’Église, à cette époque, n’avait ni paroisses, ni clergé, ni institutions, ni livres. Les apôtres prennent sur eux d’organiser l’Église de telle façon qu’elle puisse continuer. Ils suivent l’exemple de Jésus et s’inspirent des pratiques juives d’alors. Ainsi, pour continuer la mission d’annoncer Jésus-Christ mort et ressuscité, pour assurer l’annonce de l’Évangile aux païens, les apôtres installent des Anciens, ou presbytres, qui seront reconnus ensuite sous le nom d’évêques ou de prêtres. Ces anciens ont pour devoir d’assurer le lien de la charité. En effet l’annonce du message du Christ est un acte de charité et de service. Prendre soin du troupeau de Dieu se laisse voir comme une action d’amour. Diriger la communauté l’est pareillement. Enfin, présider l’Eucharistie est l’action par excellence de manifestation de cet amour et de cette charité. Le nom qui les désigne si bien, vous le savez, est la communion.

 

Voilà comment, à travers un geste simple mais si important, le lien indissociable entre le Christ et ses disciples s’établit à la fois conjointement dans la communauté, l’assemblée des frères, la hiérarchie et la célébration des sacrements. Toutes ces institutions sont donc une extension de la charité au moyen de laquelle chacune partage avec toutes, ses qualités propres. Dans la même logique, chaque membre du peuple de Dieu partage avec tous, ses dons spirituels. Les institutions morales ou religieuses ne sont donc pas des structures indépendantes qui surplombent la vie chrétienne, dans lesquelles chacun joue un rôle esseulé ou sans rapport avec la mission du Christ et l’amour qu’il laisse comme commandement et héritage.

 

Nous comprenons ainsi qu’une mission n’a atteint véritablement son but que lorsqu’elle a réussi, sous l’action de l’Esprit Saint, à former des communautés de personnes adultes, avec leurs propres leaders et la participation de tous leurs membres à la vie dans le Christ. Sans donc la communion dont la communauté est le signe, sans sa manifestation visible qu’est l’Assemblée de tous les chrétiens, sans l’Esprit Saint qui rend présent l’amour de Jésus et de son Père, sans la charité vis-à-vis du peuple de Dieu comme une poursuite de l’amour de Jésus, sans les sacrements célébrés pour donner sens et vie à la communauté, les responsables de l’Église ne sont rien et ne valent rien. Au contraire alors, avec eux s’éveille cette lourde charge de la charité du Christ et de l’Église en mouvement.

 

Mon deuxième point de cette homélie, toujours dans le même sens, qui nous permet de reconsidérer notre vie dans l’Église à partir du Christ, est le passage d’un régime à un autre. Ne pensez pas d’abord au curé ou à l’évêque que l’on change et à un dispositif qui nous semblerait un régime administratif. Je voudrais plutôt que nous pensions à un ordre, une règle ou une manière de vivre. Je voudrais que nous percevions le passage d’un ensemble d’institutions, de procédures et de pratiques. En ce qui nous concerne ici donc, le passage d’un régime corporel et présentiel à un régime dans la foi, par une présence dans l’invisible et au cœur de l’absence.

 

La communauté, la communion, l’eucharistie, les sacrements, les responsables prêtres ou évêques sont des signes de la charité ou de l’amour que Jésus laisse. Nous l’avons dit. Mais bien plus, à la suite de ce passage de l’évangile de Saint Jean que nous avons écouté, le don et l’héritage de l’amour que manifestent ces signes sont eux-mêmes un mode de vie, de présence de Jésus lui-même dans son Église jusqu’à son retour à la fin des temps. 

 

Jésus était présent, il n’y avait donc pas besoin de sacrements. Ses disciples étaient là après lui et eux aussi ont répété les mêmes gestes que Jésus. Après les témoins directs, quel est le mode de présence, le mode opératoire ? Suivant quel régime Dieu a-t-il voulu agir pour que les grâces offertes par son fils atteignent tous les hommes de tous les temps ? Le régime s’explique donc dans le cadre de l’absence de Jésus. Le régime n’est pas l’exercice d’un pouvoir ou d’une administration. Le régime dans l’absence est une présence invisible à travers des hommes et des femmes, la vie communautaire, la communion des membres, les sacrements célébrés et ceux qui ont la charge du peuple de Dieu. Tous ensemble, ces différents points sont une même donnée de l’Église comme sacrement de l’amour et du salut que Jésus donne à ses disciples.

 

Alors, frères et sœurs, aimer son prochain comme le Christ l’a ordonné n’est pas seulement pratiquer un commandement : c’est aussi manifester la puissance de sa résurrection, c’est montrer la présence de cette vie éternelle dans le monde, c’est indiquer que Jésus ressuscité est toujours vivant au milieu des siens, c’est indiquer l’Église comme le lieu de la présence de Jésus, c’est exhiber les sacrements comme signes de son amour, c’est désigner les prêtres et tous les responsables comme témoins de la charité. Nos actes, nos personnes comme les institutions, deviennent ainsi les extensions de Jésus ressuscité et de son œuvre dans le monde.

 

Demandons au cours de cette eucharistie qui est sacrement d’amour et de communion de nous associer plus à ce mystère du don de l’amour ; demandons la grâce de le signifier et de la manifester. Prions pour nous tous qui, en quelque endroit où nous sommes, représentons l’Église et le Christ afin d’être des témoins de sa grâce et de sa bonté.

 

Amen