par l'abbé Gad Aïna
Chers frères et sœurs dans le Christ,
L’Ascension est une Pâque : voilà le thème de mon homélie de jour. Vous voyez déjà que je viens suggérer que, ni pour la célébrer ni pour la méditer, il ne faudrait séparer l’Ascension de la fête de Pâques. C’est en effet le Ressuscité qui monte vers son Père. La forme et les conséquences de cette fête sont avant tout celles de Pâques.
Pour venir à mon propos, l’Ascension est une Pâque, je viens m’appuyer sur la démarche que Jésus propose à ses disciples comme à nous aujourd’hui : une Pâque. La Pâque signifie le passage et Jésus appelle ses disciples à contempler et méditer son passage de cette vie terrestre à la vie en Dieu qu’il avait déjà accompli la nuit de la résurrection.
Jésus s’élève donc de terre et va vers les nuées, disparaissant aux yeux de ses apôtres. Il leur révèle par ce passage, le sens et l’objectif final de sa propre histoire. À quoi sert-il de guérir, de chasser les démons, d’annoncer la Bonne Nouvelle pour qu’on croit, de mourir pour sauver les hommes, et de ressusciter, sans aller vers le Père source de tout bien ? Le but final de la vie de Jésus et de sa résurrection est le retour dans la pleine communion avec Dieu. Pour nous donc, ce passage vers le sein du Père indique notre destination finale, l’objectif général de toute notre vie chrétienne.
L’Ascension est une Pâque ; à partir du geste du Christ, elle invite également à quitter une rive pour une autre : passer d’un monde à un autre. Pour traverser un étang ou un fleuve, une rivière, vous avez plusieurs choix : soit l’enjamber avec un pont, (on dit même ici souvent, le pont de l’Ascension, une anticipation du repos du sabbat, une absorption du jour de travail par le jour de repos) soit avec une barque pour traverser. Je laisse à chacun la liberté de choisir mais l’Ascension exige ce passage. C’est un passage du rivage familier et confortable, vers le Ciel où Dieu nous prépare une place et nous invite dans son repos et sa béatitude éternels. Célébrer l’Ascension comme une Pâque revient à quitter la rive des seuls repères matériels pour l’autre rive du monde spirituel. Il ne s’agit pas de fuir la réalité ou encore moins de penser à rejoindre les nuages ou un univers éthéré. Quitter la rive c’est prendre l’élan vers le monde spirituel.
Ce choix du monde spirituel s’accomplit quand nous nous entraînons à le bâtir ici et maintenant. Jésus est monté au ciel après ce qu’il a accompli. L’Ascension est le résultat visible ou plutôt invisible des actes quotidiens qui l’amènent à ce niveau. Quitter la rive ordinaire de nos conforts c’est aussi commencer à construire dans la dureté de notre quotidien, un monde plus juste, plus pacifique ; c’est édifier ici-bas un monde plus spirituel, un monde où la vie humaine revêt toute sa valeur voulue par Dieu, un monde dans lequel une vie compte plus que les calculs financiers et les folies, ou les libertés égoïstement centrées sur soi. Un monde où l’homme est appelé à s’élever pour donner le meilleur de lui-même ; un monde où Dieu invisible se fait présent parce que nous nous laissons accomplir par l’Esprit Saint.
L’Ascension comme une Pâque est alors le passage d’un mode à un autre. Jésus était toujours présent au milieu des disciples. Même après la résurrection, il était là, il leur apparaissait souvent. Il mangeait avec eux, il réalisait des miracles. Après quarante jours, il fait ce passage vers son Père. Et il invite tous ses disciples à faire le passage avec Lui. En plus de la destination finale indiquée, l’Ascension est un passage à un autre mode de présence de Jésus. Il est absent à nos yeux de chair, il est absent et silencieux à nos sens physiques. Mais il est autrement présent, lui qui promet d’être avec nous jusqu’à la fin des temps. Son mode de présence sera le soutien permanent de l’Esprit qu’il a promis en partant. Son mode de présence sera l’écoute de ses paroles et de ses actes dans les Ecritures et la communauté. Son mode de présence sera le prochain auquel il s’identifie personnellement. Son mode de présence sera les sacrements à travers lesquels il donne sa grâce en abondance. Son mode de présence sera son amour qui fructifie en nos cœurs. Son mode de présence sera notre témoignage qui répand son message dans le monde. Célébrer l’Ascension exige de nous que nous comprenions ces niveaux de présence, que nous les actualisions dans nos vies respectives.
Permettez-moi d’ajouter un dernier sens à cette Pâque : le passage de l’humanité dans la divinité. Ce pont que représente l’Ascension est celui que Jésus établit entre le ciel et la terre. Quand il monte avec son corps glorieux, notre espérance grandit car l’homme que Dieu a créé pour l’incorruptibilité peut s’unir vraiment à la divinité ; voilà notre preuve. Cette Pâque est le bonheur voulu de tous les hommes : atteindre le bien-être total, demeurer dans la paix que rien n’altère, se réjouir éternellement du bien et des siens dans une joie sans fin, être comblé de la présence de Dieu et le sentir comme en tant qu’homme et en tant que femme. Voilà le passage que Jésus nous projette, voilà le pont qu’il jette, voilà la Pâque qu’il accomplit et à laquelle il nous invite.
Devant cette Ascension de Jésus, resterons-nous seulement à regarder le ciel ? Resterons-nous seulement debout à ne rien faire ? Non, frères et sœurs dans le Christ, dès à présent commençons notre ascension ; dès à présent, tournons-nous vers les réalités d’en haut ; dès à présent vivons mieux les symboles et les signes de la présence du Christ dans l’Église ; dès maintenant, essayons de construire un monde plus juste et plus fraternel, dès à présent quittons nos seuls repères humains, matériels pour mettre Dieu qui nous attend, au cœur de notre vie.
Joyeuse fête de l’Ascension.
Joyeuse fête de Pâques