par l'abbé Gad Aïna
Le dimanche dernier à la faveur de la fête de Pentecôte, je demandais à mes auditeurs de se laisser porter par l’Esprit Saint pour entrer dans le sentir de Dieu. Dieu est Esprit : comprendre l’Esprit de l’Esprit qu’est Dieu est à priori impossible pour notre esprit créé par lui. Se laisser porter humblement par l’Esprit de Dieu est le moyen simple mais efficace de s’ouvrir à ce qu’il donne à connaître de lui. Aujourd’hui pour la fête de la Sainte Trinité, ma demande subsiste : se laisser porter par l’Esprit. J’y ajoute pareillement une attitude de foi. Se laisser humblement porter par l’Esprit dans une démarche de foi. Ces attitudes sont nécessaires pour entrer en dialogue, établir un échange.
Je voudrais vous proposer une approche de Saint Colomban. Il comparait celui qui souhaite comprendre la Sainte Trinité à un nageur qui veut atteindre les fonds marins. Plus il s’y aventure, plus il se rend compte de la profondeur de l’océan d’une part et d’autre part de son insignifiance personnelle. Il peut néanmoins saisir par un autre type de perception cette connaissance, dont la totalité ne peut être maîtrisée par lui. Ainsi la foi permet de faire une expérience spirituelle que la raison s’interdit. En nous laissant donc porter par l’océan, essayons de découvrir quelle beauté le texte d’évangile nous offre sur l’abîme infini de notre Dieu.
Jésus parle à ses disciples de l’Esprit qui viendra après lui. C’est dans son propos que nous comprenons l’existence des personnes de la Trinité, leurs actions connexes, puis les relations entre elles. Vous avez dû remarquer que dans la Parole de Dieu il n’y a pas d’affirmation du genre, Dieu existe mais en trois personnes, la Trinité. Cependant les disciples de Jésus ont vu en lui le Fils de Dieu, ont compris que l’Esprit qu’il leur avait envoyé est un autre lui-même. De plus s’ils sont Père, Fils et Esprit, chaque personne avec sa différence, ils sont à la fois l’un dans l’autre et uns.
Revenons donc à notre page d’évangile. L’affirmation de la Trinité n’est pas explicite. Mais puisque l’existence des actions et des relations des trois Personnes divines sont bien évoquées, nous sentons que ce que nous dirons d’eux vient de ce qu’ils nous ont donnés à voir. Nous saisissons également que notre connaissance vient de l’œuvre de salut qu’ils ont accomplie en notre faveur.
Jésus, avant de passer de ce monde à son Père, promet l’Esprit de vérité. Dans cette expression, nous avons les trois personnes réunies dans la promesse. Jésus énumère ses actions de l’Esprit :
- guide vers la vérité, (Jésus a dit qu’il est la vérité)
- rend capable de comprendre tout ce que Jésus a enseigné
- révèle des choses à venir
- glorifie Jésus
- révèle et dispense les biens et les dons du Père et du Fils
Ces rôles de l’Esprit conservent un lien essentiel avec le Christ et avec le
Père, confirmant l’existence des trois.
Jésus affirme : « tout ce que le Père possède est à moi… il prendra de mon bien et vous le dévoilera. » Du Père viennent les dons, le Fils les a révélés : l’Esprit vient nous rendre capables d’accorder ses dons du Père et du Fils que nous ne pouvions accueillir. Jésus révèle le Père et l’Esprit Saint révèle le Père en achevant l’œuvre du Fils et il le révèle par la même occasion. Le Fils et l’Esprit accomplissent la même mission dans deux rôles différents. L’Esprit a dit ce qu’il a entendu du Père, comme Jésus a dit ce que le Père lui a révélé. Le Père est toujours la source, le Fils et l’Esprit reçoivent leurs missions de lui et tous agissent ensemble pour les besoins personnels et ceux du peuple de Dieu. Ils ne peuvent porter l’un ce qui appartient à l’autre s’ils ne sont pas de même nature et de même capacité. Ils ne peuvent pas se relayer s’ils n’ont pas le même projet : le salut des hommes.
Leur existence est connue parce que leurs actions les révèlent réciproquement. Leurs actions sont communes et leurs rôles sont connexes. Ils sont l’un dans l’autre et unis ensemble. Ils ont chacun un rôle particulier et une personnalité différente. Ceci est important pour nous car ils nous ont créés, ils nous aiment, nous sauvent et nous veulent dans cette communion qu’ils inspirent et réalisent. Une même nature, un unique projet, tous ensemble engagés pour créer la meilleure réalité qu’il soit. J’évoquais la réalité du dialogue.
Jésus affirme souvent « je vous dis ce que j’ai entendu de mon Père ». C’est dans ce dialogue qu’il a connu le Père qui s’est donné à lui. De plus, il parle de son Père pour que le Père soit plus connu. Il parle sans vouloir prendre la place du Père (justice). Il se donne en toute obéissance d’amour à son Père (amour et humilité). Celui-ci laisse le Fils donner son amour au monde comme s’il n’existait pas (simplicité). Dans le témoignage qu’il donne de son Père pourtant (vérité), nous ne voyons que ce dernier (Dieu seul, Dieu premier). Il parle de l’Esprit qui le remplace sans le jalouser (charité). Ce même Esprit l’a aidé à accomplir tout ce qu’il faisait (puissance). Cet Esprit est celui du Père. A l’Esprit, Jésus a été docile (docilité) comme il s’est soumis en toute chose à la volonté du Père (obéissance). Il dit que l’Esprit emmènera ses disciples vers la perfection (effacement devant le charisme de l’autre). L’Esprit fera des choses que Jésus n’a pas accomplies sa vie terrestre durant. L’Esprit développera l’enseignement de Jésus (continuité) et les grâces qu’il a répandues dans son mystère pascal. Je n’y vois qu’amour, justice, humilité, dialogue, faire exister l’autre pour mieux exister en lui. J’y distingue également : donner la meilleure place à l’autre, aller à sa place, anticiper son besoin, ses désirs, parler en bien de lui, l’accompagner sans se défiler et sans le défier afin de dévoiler le meilleur de lui.
Le dialogue de la Trinité que je vous propose, frères et sœurs, est celui-là : nous en inspirer pour que notre vie communautaire, nos familles puissent s’immerger dans cet océan infini d’amour, de bonté, de justice, de respect, d’autorité, d’obéissance, de vérité, de simplicité, d’échanges fructueux. Je voudrais donc nous inviter tous à nous abîmer dans cette Trinité qui s’est montrée à nous en dialoguant et qui est en fait dialogue en lui-même.
Méditons, méditons !