par l'abbé Gad Aïna
Frères et sœurs dans le Christ,
J’aurais préféré raconter quelques miracles eucharistiques en cette fête pour raviver votre foi, votre dévotion
en l’eucharistie. Je me résous cependant à revenir à l’Ecriture qui nous est proposée à méditer. Je vous invite néanmoins à rechercher et lire une histoire miraculeuse de l’eucharistie, vérifiée
et approuvée par l’Eglise pour votre croissance spirituelle.
Pour revenir à l’Ecriture, je choisis de présenter la première Lecture tirée du Livre de la Genèse (14, 18-20) : la rencontre d’Abraham et de Melchisédek. Ce passage relaye une tradition de l’histoire d’Abraham. Je voudrais, avant de revenir sur des aspects que l’Ecriture nous propose dans la Lettre aux Hébreux, je voudrais donc relever quelques points.
Le premier : ce passage précède la bénédiction d’Abraham. Avant même qu’Abraham ne fasse alliance avec Dieu et bénéfice de la bénédiction liée à cette alliance, il pose un acte vis-à-vis de Dieu qui l’a appelé. Cet acte établit un rapport fondateur avant l’Alliance, puisqu’il confirme la bénédiction par un étranger, un prêtre roi, inconnu.
Le deuxième point est la figure symbolique de guerrier d’Abraham qui réalise une victoire jusqu’à Damas. Les bénédictions du peuple d’Israël et du messie de David peuvent avoir, dans cette figure, une histoire continue de la bénédiction de Dieu qui a commencé depuis leur Père Abraham.
Le troisième point est l’ouverture de cette histoire. Il n’y a ni temple, ni prêtre, ni loi. Mais voilà qu’un homme que nous ne connaissons pas, qui n’a pas été montré comme avoir reçu de Dieu un message, reçoit Abraham même avant son alliance avec Dieu, et offre à Dieu un sacrifice inédit : du pain et du vin. Le récit pose une réalité universelle qui ne dépend pas de l’alliance avec Abraham et sa descendance. Dieu peut parler avec tous les hommes et on n’a pas besoin d’être de la descendance d’Abraham pour parler avec Dieu ou être son prêtre. Ce regard incontestable ouvre donc une porte à l’assimilation future de tous les adorateurs de Dieu : pas besoin d’être nécessairement fils d’Abraham pour parler à Dieu ou être son prêtre.
L’épître aux Hébreux (5.6 et chapitre 7) relisant ce passage avec le Psaume 110 (109) voient en Melquisédek une image du Christ, le seul prêtre véritable. Je vous propose quelques aspects de son interprétation afin de comprendre le texte de la Genèse. L’auteur de l’Epître aux Hébreux montre que Melchisédek signifie roi de justice. De plus, il est roi de Salem donc roi de paix. Ce sont des appellations que la tradition attribue au Messie. Plusieurs passages du prophète Isaïe le prouvent.
La Genèse n’aborde pas son ascendance, ni son origine, sa naissance ou encore comment il aurait fini sa vie. Il est comme un être divin.
La Loi n’existait pas ; pas de fils d’Aaron non plus pour offrir le sacrifice ou recevoir la dîme. En recevant la dîme d’Abraham, père des patriarches, et en bénissant ce dernier, il pose un geste que la descendance d’Abraham ne peut révoquer. En effet Lévi et ses institutions, compris en germe dans Abraham qui s’incline devant Melchisédek, indiquent qu’il y a un sacerdoce supérieur à celui d’Aaron, qui ne dépend pas de sa descendance, ou l’on offre directement à Dieu le pain et le vin et pas nécessairement un sacrifice d’animal dans le temple. Si Dieu agrée ce sacrifice, c’est qu’il y a bien un sacerdoce dans la ligne de Melchisédek , ce que reprend le Psaume 109 où David parle à son Seigneur : « Le Seigneur a juré, il ne peut se reprendre : « Tu es prêtre à jamais, à la manière de Melquisédek ! »
Par cet argumentaire, il justifie que Jésus est prêtre. Il est d’origine divine et donc éternel. Il n’a ni début, ni fin. Humainement, il est de Juda, de la lignée de David, donc héritier ou Roi de Jérusalem. Dans Jérusalem, vous avez Salem (paix cf. Is 9, 6). Dans l’Ecriture, les annonces du messie par endroits le désignent aussi comme roi de justice. Il est donc Roi et Messie. Jésus n’est pas de la lignée de Lévi ou d’Aaron, il est plutôt de la lignée de Melchisedek, prêtre dont le sacerdoce est antérieur à Aaron, et qui a reçu, avant qu’Aaron n’existe, une dîme d’Abraham et qui a offert à Dieu un sacrifice universel de pain et de vin. Par conséquent, il n’a pas besoin d’être soumis à la lignée de Lévi puisqu’il a un pouvoir comme celui de Melchisédek. Par ailleurs il offre le pain et le vin, offrande qu’il accomplit la veille de sa passion et qui signifie son sacrifice. Par ailleurs encore, son sacrifice est unique et sur cette Parole, Dieu ne reviendra pas.
Jésus est donc notre roi de justice, notre roi de paix. Il nous sauve par un sacrifice qu’il offre à Dieu et qu’il a signifié dans le pain et le vin qu’il a donné à ses disciples la veille de sa passion. Ce sacrifice de pain et de vin, signe de son sacrifice sur la croix, est supérieur à celui de Lévi, aux sacrifices d’animaux dans le temple. Ce sacrifice qu’il a offert fait de lui un prêtre dont le sacerdoce est plus grand que celui d’Aaron. Son pouvoir ne vient pas d’un homme ou d’une lignée mais de Dieu lui-même. Voilà le sacerdoce de Jésus à partir de la figure de Melchisédek.
Chaque fois que nous sommes en présence de ce pain et de ce vin consacrés, pensons à l’excellence du sacerdoce de Jésus, à la sublimité de son sacrifice et à la grande ouverture qu’il a faite, pour que tous ceux qui croient en son nom puissent devenir prêtres par le baptême ou encore prêtres par l’ordination. Répandons-nous en amour, pleins d’affection pour celui qui nous a aimés jusqu’au bout et s’est livré pour nous, Eucharistie, Jésus-Christ notre grand-prêtre selon l’ordre du Roi Melchisédek.