par l'abbé Gad Aïna
Frères et sœurs dans le Christ,
Je voudrais nous rassurer et essayer d’enlever de nos vues sur cette page d’évangile célèbre et sans cesse commentée, ce que Jésus n’a pas voulu signifier. D’abord Jésus n’a pas voulu signifier qu’il faille opposer l’attitude de Marthe et celle de Marie. Jésus ne les a pas mises l’une contre l’autre en articulant qu’elles sont contraires. Nous devrions arrêter de voir en Marie un style de vie chrétienne qui s’oppose à celle de Marthe. Dans cette logique, pour mieux comprendre Jésus, nous avons à apprendre à ne pas projeter notre vision sociale, suivant laquelle les artisans ne valent pas grand-chose et que ce serait plutôt les scientifiques, les politiciens, les intellectuels qui seraient meilleurs ! Jésus n’a pas voulu justifier une stratification sociale pour justifier les services de l’esprit opposés aux travaux manuels ou aux services de la maisonnée.
Jésus n’a pas voulu, en mon entendement, hiérarchiser les deux attitudes, soit pour valoriser celle de Marie soit pour discriminer celle de Marthe. Nous ne devrions donc pas penser que s’occuper des personnes comme des fantassins, des soldats au sol, serait inférieur, pendant que les contemplatifs seraient des personnes de haut vol, des élites et seraient proches de Dieu. Jésus n’a pas signifié qu’il hiérarchisait les rôles de courants contemplatifs et apostoliques qui se reconnaîtraient dans son message. Jésus ne visait donc ni une opposition, ni une hiérarchisation, encore moins une quelconque exclusion d’un type de vie chrétienne.
Luc indiquait simplement la chose nécessaire et indispensable : être avec Jésus, écouter sa parole et la mettre en pratique.
Avec Sainte Thérèse d’Avila [1], affirmons : quelles que soient les fonctions que nous assumons dans la communauté, nous sommes fondamentalement appelés à accueillir Jésus. Ce n’est pas la tâche qui importe, ni le jugement qu’on s’en fait mais plutôt si, par elle, moi qui l’accomplis ou assume ce rôle, j’accueille vraiment Jésus ou non. S’auto-estimer ou s’auto- célébrer sont donc exclus. Jésus est-il présent dans ce que je fais ? Et donc, en faisant ce que je fais, a-t-Il la première place ? Accueillir Jésus peut donc passer par une attitude intérieure, ou par des gestes extérieurs. Dans Le chemin de la perfection, Thérèse d’Avila développait aux carmélites que toutes les fonctions de la vie religieuse, y compris dans un couvent de contemplatifs, visent à recevoir Jésus. Que la tâche soit petite ou plus noble, ce n’est pas la tâche qui nous rend indignes de Dieu mais plutôt ne pas l’accueillir à travers elle.
Sainte Elizabeth de la Trinité [2] soulignait dans le même sens que l’unique nécessaire consiste à ce que l’âme surnaturelle abandonne ce qui est banal, secondaire. Tout en accomplissant les actions ordinaires, il faudrait se détacher de soi et des œuvres que l’on accomplit. L’être intérieur doit viser être en communion permanente avec la volonté de Dieu à chaque instant et mettre en pratique cette volonté de Dieu ; voilà l’unique nécessaire.
___________
[1] Thérèse d’Avila, Le Chemin de la perfection, ch. 17, 5-7 (OC; trad. Mère Marie du Saint-Sacrement; Éd. du Cerf 1995, p. 761-762, rev.)
[2] Sainte Elizabeth de la Trinité, La grandeur de notre vocation n°8 (Œuvres Complètes, Cerf, Paris, 1996, p. 137