par l'abbé Gad Aïna
Frères et sœurs dans le Christ,
Prier c’est vivre en ami et en fils avec Dieu.
Les saints et les grands orants nous le démontrent : la particularité ou la pertinence d’une vie de foi provient de la relation effective que l’on a avec Dieu. La relation vivante avec Dieu devient donc l’origine, l’environnement et le ferment de la prière. Des textes de ce dix-septième dimanche ordinaire C, deux relations exemplaires et expérimentables avec Dieu ressortent essentiellement : l’amitié ou la filiation.
L’amitié avec Dieu : Abraham est l’ami de Dieu. Dans cette amitié, Dieu vient vers lui, s’ouvre à lui, lui parle des projets de son cœur, ainsi que des chagrins qui lui viennent des pécheurs. Abraham est une oreille qui écoute Dieu. Grâce à cette amitié, Abraham peut parler à Dieu, évoquer sa vie, parler des autres, jusqu’à intercéder en leur faveur au point d’infléchir les projets de Dieu son Ami.
La filiation avec Dieu : À la suite de Jésus, le Fils, nous devenons enfants de Dieu. Nous exprimons cette filiation comme Jésus, en parlant à notre Papa. Nous élevons vers lui nos cœurs pour le rencontrer, le reconnaître d’abord dans ce qu’il est. Puis, nous lui adressons nos demandes et nos besoins. Enfin nous nous amendons et travaillons à opérer le choix du bien et à créer avec lui un monde meilleur.
Prier ne sera donc pas en premier lieu exprimer des paroles ou des demandes, ni poser des gestes mais vivre et étendre une relation vraie, profonde et sincère avec Dieu, Ami et Père.
Alors une petite question m’a traversé, je la partage avec vous : et si un chrétien ne prie pas ? Ou alors, sans ces deux relations qui donnent vie à la prière, que devient la prière ? Que devient-il ? Que devient Dieu dans son existence ?
Sans ces relations d’amitié et de filiation dans la prière, le croyant que nous sommes, amoureux ou passionné de Dieu, disparaît. Nous devenons des poseurs de gestes et de rites ou de toutes sortes d’actes extérieurs visant à nous rassurer faussement, que nous accomplissons comme quelque chose de grand, d’historique et de symbolique. Se refuser à cette relation d’amitié et de filiation avec Dieu dans la prière, c’est tuer en soi le ressort qui, dans sa détente spontanée, nous rapproche de Dieu, pour se condamner à des attitudes superficielles, sans racines, qui finalement perdent leur saveur et se vident.
Sans ces relations d’amitié et de filiation dans la prière, Dieu cesse d’être réel. Il devient une réalité culturelle, un sujet que les autres nous prêtent. La vénusté de ce qu’Il est pour nous disparaît. S’il ne devient pas un croquis de nos représentations, il devient la poubelle de nos doutes et de nos regrets ou échecs. Il perd sa sublimité, l’adoration qui lui est due. Dieu perd la « préférence absolue »
Sans ces relations qui rendent Dieu privilégié dans notre vie, nous perdons donc la saveur de la prière, elle devient inutile. Le temps consacré à Dieu ou à l’intériorité devient pesant. Penser à Dieu, aller le rencontrer dans la semaine par une prière quotidienne, une adoration silencieuse ou le dimanche par la messe ou une activité avec le peuple de Dieu, deviennent des actes héroïques qui nous arrachent à nous-mêmes et qu’il faut justifier par surcroît. Se rendre présent à Dieu ou finir par manifester un geste de générosité à son endroit finit par être le dernier point, la dernière activité qui nous ravit à tous les programmes extérieurs qui nous rendent plutôt ravis.
Je reviens simplement sur mon insistance au début, sur l’exemple des orants et des saints. Ils ont compris que cette relation est fondamentale. Ils ont compris que prier n’est pas poser un geste superfétatoire. Vous pouvez comparer vos rapports avec ceux vis-à-vis desquels vous ne sentez aucun rapport d’amitié, de respect ou de famille. Ils ne sont rien pour vous. Ils n’existent pas dans votre quotidien et il est inutile de les visiter, de les solliciter ou de les associer à quoi que ce soit d’intime ou d’important.
Prier, donc, ce n’est pas finalement prononcer quelques paroles pour se donner bonne conscience. Ce sera toujours exprimer un élan de cœur, comme un ami, comme un fils ou une fille vers son père ou sa mère. Ce sera toujours percevoir Dieu comme ce Père ou cette Mère qui ne peut rien refuser à ses enfants. Ce sera toujours considérer Dieu comme cet ami qui tolérera qu’on le dérange à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, ami, qui fatigué, occupé ou couché, nous accordera toujours ce qu’il faut. Nous le comprenons, l’absence de cette relation est nocive car elle rend Dieu non réel, et nous transforme en chrétien sans cœur, sans intérieur bref irréel.