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Homélie pour le 28ème dimanche ordinaire - année C - 2025

par l'abbé Gad Aïna

Frères et sœurs dans le Christ,

 

Deux thèmes me viennent à l’esprit quand je revois les textes de ce dimanche. Le premier : l’obéissance de la foi comme moyen de salut pour Naaman et les lépreux de l’évangile. Le deuxième thème s’intitule « la gratitude » ou l’action de grâce que l’on retrouve toujours chez Naaman et uniquement chez le dixième lépreux, le samaritain. On pourrait développer chacun d’eux mais aujourd’hui, frères et sœurs, je voudrais vous proposer de percevoir à travers la Parole de Dieu de ce dimanche, un appel à la foi en Jésus sauveur, prêtre et Dieu.

 

Pour l’israélite, être un païen c’est déjà souffrir d’une lèpre. Pour cette raison, on ne doit pas s’approcher d’un païen. Être lépreux, de surcroît, double l’impureté. Dans la première lecture, Naaman, quoique général et homme puissant, appartient à un peuple ennemi d’Israël, même si les Israélites se réclament également descendants d’Araméens. Cet homme-là, poussé par une foi nourrie de témoignages d’enfants et d’histoires qui lui semblaient fabuleuses, vient quêter la guérison. Mais le prophète le traite comme n’importe qui. En effet, Élisée reste distant, absent. Il missionne un serviteur pour lui demander de poser un geste banal qui ne requiert ni pompe ni ostentation. A force de tergiversations, Naaman se résout péniblement à obéir à un inconnu invisible, qui semble donner des ordres à lui grand général, par un serviteur insignifiant. Il finit par donc par croire cahin-caha et accomplit le rite demandé. La guérison qu’il obtient après son bain modique, l’amène à croire au prophète. Il revient vers lui, et en conséquence veut céder à Élisée sa cargaison de 6000 pièces d’or, de dix talents d’argent et de vêtements précieux. 

 

Vous rappelez-vous que le roi avait déchiré son vêtement pour signifier que Dieu seul pouvait délivrer de la lèpre ? Naaman, après sa guérison, croit et confesse que le Dieu d’Israël est l’unique et qu’il n’y en a pas d’autre. Il professe de ce fait le credo d’Israël : (shema Israël) le Seigneur ton Dieu est l’unique… Cependant, il veut combler le prophète de présents. Celui-ci renvoie toute la gloire à Dieu, refuse les présents et renvoie Naaman à vivre effectivement cette foi dans le Dieu unique qu’il vient de découvrir. Ainsi, savons-nous que c’est Dieu seul qui délivre de la lèpre ? De plus, le passage nous révèle que la guérison de Dieu ne considère ni les origines, ni un quelconque critérium d’élection. Nous reconnaissons aussi par l’acte d’Élisée, que le prophète se refuse à être le sujet de la foi puisqu’il refuse la reconnaissance. L’acte gratuit du Salut de Dieu nous tourne donc vers Lui et nous amène à croire en Lui seul, de même notre action de grâce. Dans une pareille vision, je vous invite à relire l’évangile. 

 

Les dix lépreux ont sans doute entendu parler d’un prophète, Jésus, qui accomplit des miracles, comme Naaman l’avait entendu dire d’Élisée par la servante de son épouse. Ils s’arrêtent à distance et Jésus ne s’occupe pas d’eux particulièrement. Ailleurs en effet, il s’approche et touche le lépreux. Mais ici rien. Les dix lépreux crient : « maître prends pitié de nous ». Cet appel à la pitié adressé à Jésus montre déjà un second pas dans la foi en Jésus, homme de Dieu. Ici en effet, les malades appellent Jésus par son nom puis lui donnent le titre de « maître ». Alors que Jésus ne les touche pas, ne leur donne aucune disposition permettant de guérir, lorsqu’ils suivent l’ordre de Jésus d’aller vers les prêtres, ils marquent un troisième pas. Trois pas dans la foi : se décider d’aller vers Jésus parce qu’on a entendu parler de Lui, ensuite s’approcher de Lui et réclamer sa pitié puis suivre ses instructions sans broncher ni murmurer.

 

Il y a en effet objet à murmure puisqu’ils ne sont pas guéris. Se montrer au prêtre est l’acte prescrit lorsqu’on est purifié. On offre alors un sacrifice spécial pour le péché, pour être réintroduit dans la communauté de vie et de culte (Lv13-14). De plus il y a à murmurer, car l’entreprise d’aller voir le prêtre ne contient, de la part de Jésus, aucune parole de guérison ni même une promesse de purification. Et pourtant, ils s’en vont et là le miracle advient. Un quatrième pas : avancer dans la direction montrée par le Seigneur alors que la raison et les émotions s’y opposent.

 

La foi du samaritain marque un cinquième pas. Il n’est plus à démontrer en l’évangile de Luc, que le personnage de ce samaritain vise à réveiller et inviter à quitter un exclusivisme de la foi ou du salut. La foi du samaritain marque un progrès supplémentaire lorsqu’il revient vers Jésus au lieu d’aller vers le prêtre pour déclarer sa guérison. Plus qu’un homme de Dieu, un maître ou un prophète, il voit en Jésus un prêtre, celui-là qui est à la fois à la source et à la constatation de sa guérison. Mais devant Jésus prophète et prêtre, il pose un geste que Jésus ne récuse pas comme Elisée.

 

Il rend gloire à Dieu et offre par sa louange, un sacrifice d’action de grâce. Il offre ce sacrifice publiquement et à pleine voix. En plus de l’action de grâce qu’il offre, le samaritain jette le visage contre terre aux pieds de Jésus, se prosterne et le remercie. La foi qu’il a en Jésus, maître et prophète, l’introduit dans la reconnaissance de celui-ci, d’abord comme un prêtre et enfin comme Dieu, auquel reviennent l’action de grâce et la reconnaissance. Il nous faut alors reprendre la demande en pitié qui ouvre la scène. Rappelons-le, ils avaient vu en Jésus un maître, un prophète. Reconnaissons alors que ces mêmes paroles, dans la bouche de celui qui se prosterne, reviennent à adresser à Jésus des mots revenant de droit à la miséricorde du Créateur. S’ils avaient aperçu Jésus Sauveur, le Samaritain a reconnu en lui Dieu qui s’est fait proche.

 

Récapitulons donc la démarche de foi. Entendre parler de Jésus comme un homme de Dieu engendre le mouvement pour aller à sa rencontre. Essayer de voir en Lui le Sauveur, reconnaître que ce Sauveur est un Maître amène à prier et supplier Jésus en lui adressant ses besoins profonds et sa détresse intérieure et spirituelle.  Croire en Jésus comporte aussi l’acceptation de l’épreuve de sa distance et l’obéissance à ses ordres. Après l’exaucement, l’acte de foi du croyant consiste à revenir à Jésus pour offrir le sacrifice d’action de grâce. L’acte de foi se manifeste par une attitude extérieure de piété, se prosterner, s’agenouiller face contre terre devant la majestueuse et divine Seigneurie du Christ malgré l’apparence de son corps. Et l’acte de foi s’auréole finalement dans une louange publique.

 

Frères et sœurs, puissions-nous nous accorder à cette foi qui nous est proposée, pas seulement en pensées et en paroles mais aussi par nos actions ; surtout nous qui ne savons plus nous prosterner devant la Divine Présence eucharistique ; surtout nous qui ignorons l’offrande d’action de grâce pour les bienfaits ; surtout nous qui sommes peinés ou intimidés par la louange publique.

 

 Le Seigneur soit avec vous.