· 

Homélie pour le 30 dimanche ordinaire - année C - 2025

par l'abbé Gad Aïna

Frères et sœurs dans le Christ,

 

À travers les textes, je voudrais vous proposer de méditer sur la prière. Dans ce thème si connu, je vous invite à réfléchir sur la prière comme le révélateur de Dieu et de nous-mêmes. La prière est une rencontre effective au cours de laquelle Dieu se révèle au  moment même où l’orant se dévoile aussi par sa prière. 

 

Ce que la prière révèle sur Dieu ?

 

Le contexte de la première lecture de Ben Sirac est une invitation à la générosité dans les frais de culte. Dans cet appel, la Parole du sage interpelle à ne pas oublier nos responsabilités vis-à-vis de l’injustice dans le monde. Cette responsabilité provient de l’affection de Dieu pour ceux qui peinent. De ce fait Dieu montre aussi l’importance de l’unité entre la prière et la vie de l’orant. Le service de Dieu et l’amour, ou encore la générosité à son endroit ne dédouanent pas du devoir de charité et de justice à l’égard des nécessiteux. 

Mais, ce n’est pas le seul lieu où Il ne veut pas de disparité. En effet, dans l’accueil de ceux qui le prient, Dieu ne fait pas de différence entre les hommes. Ne nous arrêtons pas au niveau de clivages sociaux ou racistes. On peut supposer que Dieu ne fait pas de différence entre croyants et incroyants. De même, le Seigneur ne dévalorise personne. Devant sa face, aucun privilège humain ne prévaut. Il ne défavorise personne. Il donne à tous une chance identique de s’approcher de lui et de lui parler. Mieux, et cet aspect peut contrebalancer notre vue sur l’attitude de Dieu dans la prière, Dieu dévoue un amour particulier pour trois figures : l’opprimé, l’orphelin et la veuve. S’il ne tient pas compte de nos privilèges humains, il a les siens : les souffrants de la vie et de l’injustice humaine sont ses privilégiés.

 

Nous comprenons alors pourquoi la prière de ceux qui ploient sous les coups de la vie et de l’injustice traverse les cieux. Ainsi le Seigneur écoute avec la même affection paternelle, l’action de grâce du comblé et la prière de pénitence du pécheur. Ainsi Dieu montre sa justice. Sa justice ne se résume pas seulement dans l’exaucement ou le rétablissement d’une situation, elle va au contraire jusqu’en amont, à  l’accueil sans distinction de celui qui vient présenter sa prière et dans la juste considération de sa personne et de ses besoins.

 

Ce que la prière révèle sur nous ?

 

Dans les textes, nous remarquons que la prière rend compte de la qualité de notre vie en général. C’est ainsi qu’elle révèle qui nous sommes, ce que nous faisons et comment nous adorons Dieu. Si la première lecture insiste sur la justice sociale, elle procure par la même occasion une preuve de la manière dont nous vivons les commandements de ce Dieu que nous venons prier. Il se peut justement que notre prière soit déconnectée de notre réalité sociale et même personnelle.

La prière révèle donc la qualité de notre service de Dieu et de son amour en dehors de son temple. Mieux elle nous permet de nous rendre compte de la qualité de notre cœur. Est-il tout entier à Dieu ? Est-il fermé aux autres dans la vie de tous jours et jusque dans la prière ? Notre cœur est-il persévérant au point de prier de manière inconsolable jusqu’à ce que la prière traverse les nuées ? Nos yeux demeurent-ils rivés sur le Seigneur jusqu’à ce qu’il nous écoute ? Jusqu’à ce qu’il se prononce en faveur des justes ? Ces attitudes manifestent un recours à Dieu de qui nous dépendons et sont l’expression de notre espérance en lui.

 

L’espérance de la justice de Dieu nous exclut de penser que l’on puisse obliger Dieu par quoi que ce soit : fussent notre amitié, notre foi ou même nos mérites de bonne vie. Car à ce niveau également, la prière révèle le fond de notre cœur. Je ne voudrais pas revenir sur la caricature de la parabole de Jésus. Il y présente simultanément deux attitudes et deux types de prières : l’action de grâce du suffisant pharisien (rendre grâce à Dieu est un très beau geste de gratitude) et l’humble confession du publicain (un aveu physique de sa peine et un recours à la Miséricorde de Dieu).

 

Chaque prière révèle la vie et l’état d’esprit de celui qui prie. Dans la caricature, Jésus dévoile comment un acte si noble, comme l’action de grâce, peut être vicié et annulé par l’obsession de soi et la volonté d’étaler ses mérites en face de Dieu. A l’opposé, nous voyons Dieu qui se révèle comme juste et bon, surtout envers celui que notre certitude de croyant pourrait incriminer. 

 

L’interpellation du Seigneur sollicite de nous d’abord une humilité dans le jugement sur la vie et la prière des autres. Ensuite Jésus veut que nous puissions mieux regarder comment notre prière parle profondément de nous-mêmes. Quelle est la prière que je fais souvent ? Comment parle-t-elle de ma vie, de mes désirs ou de mes besoins ? Mais surtout à quels lieux de conversion dans ma vie renvoie-t-elle ? A quelle ouverture de cœur et de vie m’invite-t-elle ? Finalement, revivre le chemin de nos prières doit nous amener à accorder nos vues et nos vies à celles de Dieu. Sans cette transformation réciproque de notre vie et de notre prière pour rejoindre la présence de Dieu, nous manquerons souvent de repartir purifiés, justifiés ou comblés de grâce.

 

Puisse la grâce de cette eucharistie (action de grâce) nous obtenir d’être jusqu’au bout, comme Saint Paul, de bons athlètes qui font monter par toute leur vie (actions et prières) une prière fidèle à Dieu notre juge impartial !

 

Amen