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Homélie pour le 33ème dimanche ordinaire - année C - 2025

par l'abbé Gad Aïna

Frères et sœurs dans le Christ,

 

Est remarquable la manière dont les médias nous couvrent de situations de catastrophes, de guerres éloignées ou proches et de situations  de crise. A les croire parfois, il faut se préparer à la guerre ou même l’anticiper ou encore la provoquer. La réaction qui vient par rapport aux cataclysmes est simple et stéréotypée : « nous, on n’a jamais vu ça ! ». Cette manière du monde de penser l’apocalypse en chaos, avec des réactions subies et effarées, n’est pas le chemin suivi par l’évangile de ce jour. Jésus propose un tout autre chemin. Pour commencer, lorsque Jésus parle des fins dernières, Il fait une révélation pour les croyants. C’est un message religieux, et donc utile pour la foi des croyants. Je viens expliquer trois constantes dans ce genre de passages apocalyptiques pour nous exhorter.

 

La première constante est une conviction : Dieu est Roi et Maître de l’Histoire. Quel que soit le chaos apparent, Il maîtrise le cours de l’Histoire et conduit le monde vers une fin soigneusement préparée par lui. Cela nous exhorte à regarder les événements comme le signe d’un monde qui passe et de Dieu qui est éternel et qui donc demeure. La preuve, dans l’évangile, Jésus exploite le sommet de la vie religieuse juive, le temple, siège de la présence de Dieu au milieu de son peuple. Jésus affirme que ce temple aussi passera.

 

La deuxième constante consiste en la description des épreuves. Tout y passe : chaos, bouleversements, guerres, cataclysmes, crises sociales. Une différence fondamentale marque ces annonces : Jésus n’en parle pas pour effrayer, amener les gens à se briser eux-mêmes dans des choix contraires ou à vivre comme ils peuvent ; Jésus ne les évoque pas pour convaincre d’une opinion politique ou satisfaire des appétits de va-t’en guerre ou d’écologistes. Au lieu de répondre à la question des disciples, où, quand et par quels signes, Jésus commence à mettre en garde. La description des épreuves vise d’abord à apaiser : il ne s’agit pas de s’affoler, de courir derrière les parleurs ou les faux-prophètes. Le Seigneur avertit : « ne marchez pas derrière eux...ne vous effrayez pas » :  pas d’affolement et pas de suivisme béat et crédule.

 

Si la description des faits ne vise pas à  nous affoler, son objectif est de nous apaiser. « Il faut que cela arrive d’abord, dit Jésus, mais ce ne sera pas tout de suite la fin. » Cette invitation à la patience lui permet de rallonger la liste des situations difficiles que le croyant traversera, avant de finir sur la persécution : les guerres, les cataclysmes, les bouleversements indiquent le monde éphémère mais les persécutions feront appel au courage, à la foi et à l’espérance du chrétien. La description des détails des malheurs qui aboutissent dans les persécutions, vise à insuffler l’espérance et à donner le courage pour tenir dans les épreuves.

 

Ce retour sur la vie du croyant offre la troisième constante de ce message apocalyptique. Le dévoilement des situations difficiles, l’annonce du chaos ou des persécutions ne visent pas à nous éloigner de la réalité, à nous laisser vivre, à errer comme si la vie n’avait aucun sens. Bien au contraire, cette révélation ne diminue guère l’importance des tâches terrestres. C’est d’ailleurs au cœur de ce monde que  nous avons « le langage et la sagesse à laquelle tous nos adversaires ne pourront opposer ni résistance, ni contradiction ». Dans les catastrophes naturelles et dans les persécutions qu’il subit, le chrétien est appelé à donner, dans ce monde fugace, le signe de la présence de Dieu. La Sagesse, la Défense que Dieu lui accorde est l’Esprit Saint.

 

Nous venons de saisir que Dieu est maître de l’Histoire et de nos vies, qu’il demeure, alors que le monde qui se célèbre passera. Nous avons compris que l’objectif de la révélation des fins dernières vise à ne pas nous laisser embobiner par des charlatans de peur et de malheurs. Nous avons également perçu que le message vient nous apporter le courage et nous insuffler l’espérance. Et pour témoigner dans ce monde agressif, Jésus nous garantit l’assistance et la défense de la Sagesse qu’est le Saint-Esprit. Tous ces éléments nous orientent vers la pointe du message de Jésus dans cette page d’évangile.

 

S’il ne faut pas s’affoler, le cataclysme est bien réel. S’il ne faut pas avoir peur, ceux qui ourdissent la guerre pour diverses raisons, existent bien et sont plus acharnés que jamais. S’il faut espérer et garder courage c’est justement que les persécutions dont parle Jésus, viendront des religions, des organisations politiques, et même de  nos familles, à cause du Nom de Jésus. Tout cela est bien réel. Et si l’annonce de Jésus nous ramène à la réalité en nous demandant de la féconder par notre activité et notre présence, Jésus nous décrit, ce que j’appelais voici un instant, le sommet de son propos dans l’évangile.

 

« C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie ». En effet sans cette persévérance, le monde pour lequel on se bat sera détruit. Sans cette persévérance, la foi devient une coquille vide. Sans cette persévérance, l’espérance devient une illusion et l’annonce du Royaume de Dieu une escroquerie. Ce  n’est pas d’abord pour garantir la vie éternelle que nos efforts disposent à accueillir, car il est vrai que la persévérance donne à Dieu les preuves de sa fidélité (Rm 3,5) ; mais c’est surtout pour que cette vie s’accorde à la vie éternelle et se sature de sens, qu’elle voit et expérimente la consistance des biens éternels à venir.

 

Persévérer, ce sera ne jamais renoncer à rêver et à croire au monde de Dieu. Ce sera veiller sans cesse dans la prière. Ce sera  se rendre solidaire des hommes ployant sous l’injustice. Persévérer sera lutter contre vents et marées pour témoigner de l’amour sans frontière de Dieu. Persévérer consistera à être toujours le levain dans la pâte de ce monde. Persévérer, ce sera tirer le monde divin et éternel dans notre présent. Puisse l’Esprit Saint nous donner la persévérance dans le bon témoignage.

 

Amen !